Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Qui a peur d’instaurer un (vrai) cours d’éducation sexuelle ?

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Il y a pile 10 ans, l’Evras était imposé dans les classes. Soit un cours d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Or cela fait aussi 10 ans que certains établissement rechignent à le mettre en place. Qui a peur d’une jeunesse à l’aise avec sa sexualité ?

Qui a peur du grand méchant Evras? Le féminisme est souvent source d’un immense découragement. Comme l’autre jour, en lisant le communiqué de presse de Soralia (nouveau nom des Femmes prévoyantes socialistes) en vue du 25 novembre, journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. En substance: «Cinq ans après MeToo [bla bla bla], où en est-on en la matière [pas très loin] ; la prévention est primordiale et nous plaidons pour un Evras généralisé dans l’enseignement dès le plus jeune âge et tous les ans.» Evidemment.

Sauf que le fameux Evras, ça fait… dix ans qu’il est censé exister. Depuis le 12 juillet 2012, exactement, l’enseignement obligatoire doit «éduquer à la vie relationnelle, affective et sexuelle». En théorie. En pratique: des écoles qui rechignent (surtout dans le réseau libre), des cours donnés à la va-vite et coincés dans un programme déjà surchargé, dispensés parfois par des étroits d’esprit n’ayant pas tout à fait capté que parler cul avec des jeunes, ça ne se résume pas à apprendre comment enfiler une capote sur une banane.

Alors, qui a peur du grand méchant Evras? Ben, les parents, déjà. Il y en a pas mal que ça gêne aux entournures, que quelqu’un vienne prononcer les mots «pénis» et «vagin» dans la classe de leur rejeton. Sans doute ont-ils oublié que leur môme n’est pas né par l’opération du Saint-Esprit. Mais c’est (beaucoup) de leur faute, en fait, si le sexe doit s’inviter à l’école. Parce qu’ils laissent souvent leurs gosses se démerder avec leurs hormones. Ils ont offert Le Guide du zizi sexuel à la Saint-Nicolas, c’est bon, quoi. Y a des choses plus importantes, dans l’éducation. Va ranger ta chambre!

Qui a peur du grand méchant Evras?

Puis les bigots, aussi. Quel que soit leur dieu. Seigneur! Faudrait pas que les gamines et les gamins aient trop envie de forniquer, si ce n’est pas pour procréer. Ni qu’ils se tripotent trop le kiki ! L’ onanisme, c’est péché. Non, non, que l’Evras parle plutôt… d’amitié. «On réduit trop souvent le relationnel et l’affectif au sexuel», plaidait, en 2017, le secrétaire général de l’Ufapec, l’Union francophone des associations de parents de l’enseignement catholique.

Dans le genre effrayé, faudrait pas oublier les politiques, non plus. Dix ans = cinq ministres de l’Enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles. Quatre orange, une rouge, mais pas une seule pour imposer partout l’Evras, établir une liste précise des structures qui peuvent assurer ces cours (et, surtout, de celles qui ne peuvent pas, parce qu’elles seraient de la mouvance pro-life ou considéreraient l’homosexualité comme une anomalie, par exemple) ou encore pénaliser les écoles qui ne respecteraient pas leurs obligations.

Alors, qui a peur d’une jeunesse vivant librement, pleinement et consciemment sa sexualité? Qui a peur que les filles connaissent l’emplacement et le rôle de leur clitoris? Qui a peur de garçons ayant intégré les notions de respect et de consentement? Qui a peur qu’ils apprennent à accepter un «non», et qu’elles puissent oser un «oui»? Qui a peur de leur expliquer que la pornographie doit nourrir l’imaginaire et pas forcément les pratiques? Qui a peur de déconstruire les stéréotypes de genre? Qui a peur de leur donner les adresses d’un planning familial? Qui a peur de décrire les limites d’un préservatif, les effets secondaires d’une pilule, les avantages d’un stérilet? Qui a peur d’affirmer qu’une femme peut en aimer une autre, qu’un homme peut en désirer un autre, sans honte? Et surtout: pourquoi?

1%

d’augmentation entre 2012 et 2021: si le nombre d’accidents sur le lieu de travail est globalement en légère diminution ces dix dernières années, ce n’est pas le cas pour les femmes. Par ailleurs, selon la Fedris (Agence fédérale des risques professionnels), les travailleuses sont plus souvent victimes d’accidents sur le chemin du boulot que leurs collègues masculins. Un différence qui s’expliquerait non pas par leur manière de conduire, mais par leur prédominance dans les métiers les plus exposés car souvent en déplacement (aide ménagère, personnel infirmier…).

La phrase

L’attention a été portée sur les hommes travaillant dans la construction et les stades. Mais dans les hôtels, le harcèlement sexuel est bien réel.»

Dans The Guardian, Isobel Archer, de l’ONG Human Rights Resource Centre, qui a étudié les conditions de travail dans les hôtels du Qatar, dénonce l’invisibilisation du traitement des travailleuses immigrées (300 000, en juin dernier). L’article détaille, témoignages à l’appui, comment certaines ont été victimes de harcèlement et y restent particulièrement exposées depuis l’afflux de milliers de supporters.

Les 5 D

Sifflements, main sur l’épaule, insultes, agressions… Pour beaucoup de femmes, la ville, c’est aussi cela. Selon une étude de Plan International datant de 2019, 91% des filles interrogées déclarent avoir été victimes de harcèlement sexiste dans la rue. Et, souvent, les témoins réagissent peu. La Région bruxelloise vient de lancer sa campagne «Join the fam». Sensibilisation, formation du personnel du monde de la nuit… Et règle des «5 D», pour celles et ceux qui assisteraient à de tels faits: distraire, déléguer, documenter (en filmant), diriger et dialoguer.

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