Carte blanche

La circonscription fédérale et le tirage au sort, ces fausses bonnes idées (carte blanche)

Certains partis ont relancé l’idée d’une circonscription fédérale et d’un tirage au sort pour remplacer le Sénat. Pour Lenny Ferretti, étudiant en droit à l’UMONS, ces idées ne réconcilieront pas citoyens et politiques.

L’État Belgique est imparfait et est sujet aux crises à répétition. 

C’est inéluctable : en 2010, 541 jours ont été nécessaires avant de former un Gouvernement fédéral. En 2018, après la chute du Gouvernement Michel I, 653 jours ont été nécessaires à la formation d’un « vrai » Gouvernement fédéral de plein exercice. Rajoutons à cela les idées extrêmes de tous bords qui ont un certain succès, les périodes troubles de plus en plus fréquentes au sein des gouvernements sur certains dossiers, etc. Autant d’épisodes qui font que les citoyens lambda n’y comprennent plus grand-chose et en ont marre. 

C’est alors que certains élus, présidents de parti ou ministres viennent avec des idées qu’ils pensent révolutionnaires. Depuis quelques jours, deux d’entre elles ont refait surface : la circonscription fédérale et le tirage au sort pour remplacer le Sénat. Ces idées ont le mérite d’exister, d’être débattues et défendues. C’est d’ailleurs un signe de vitalité dans une démocratie. Cela étant dit, ça ne peut pas se faire avec des arguments fallacieux et contraires à la Constitution. Or, depuis que ces idées ont refait surface, nombreux sont les arguments erronés qui ont été invoqués. 

Commençons par la circonscription fédérale où certains disent que ça permettrait que « le Premier ministre soit tenu de rendre des comptes à ceux qui ne l’ont pas élu ». D’autres disent que « ça obligerait les députés élus à représenter l’ensemble des communautés linguistiques du Royaume ». Ces personnes font fausse route

Le Premier ministre et l’ensemble des ministres ne sont pas élus par les citoyens car c’est le Roi qui nomme et révoque ses ministres, mais ils sont déjà tenus de rendre des comptes. 

En effet, le Gouvernement obtient la confiance des députés de la Chambre des représentants (article 46 et 96 de la Constitution) et est responsable devant celle-ci (article 101 de la Constitution). Et contrairement à ce que certains prétendent, ces députés représentent l’ensemble de la nation et non seulement ceux qui les ont élus (article 42 de la Constitution). 

L’idée d’une circonscription fédérale n’est pas neuve, mais force est de constater qu’elle n’est pas mûre. Sur les sept partis composant la Vivaldi, certains sont farouchement contre ou à l’inverse pour avec une position bien précise et d’autres sont pour mais n’ont pas encore de position arrêtée quant aux modalités d’exécution. Cette séquence de la vie politique belge est problématique. Non pas parce qu’elle sollicite le débat, loin de là, mais parce que les politiques présentent une idée complexe avec des arguments erronés comme la solution miraculeuse alors qu’elle ne l’est pas et qu’ils ne sont même pas d’accord entre eux…

 

En Belgique, il y a des élections tous les cinq ans. Il y a des assemblées élues directement et d’autres élues indirectement. Le Sénat, qui est la deuxième Chambre du Parlement fédéral est depuis 2014 et la sixième réforme de l’État élu indirectement. Aujourd’hui, certains nous disent qu’il ne sert plus à rien, qu’il faut le supprimer et le remplacer par des citoyens tirés au sort. 

Dans un premier temps, il est bon de rappeler que le Sénat permet le bicaméralisme, que la Belgique est un État fédéral (article 1 de la Constitution) et qu’aucun État fédéral au monde ne fait appel exclusivement qu’au monocaméralisme.

Un tirage au sort est profondément anti-démocratique et nécessiterait de former les citoyens en question, ce qui aurait un coût supplémentaire…  En revanche, des panels citoyens peuvent et doivent avoir lieu. Les travaux qui en ressortent peuvent guider nos élus mais ils convient de distinguer la consultation menée en parallèle de la prise de décision à la prise de décision en elle-même. C’est une question de représentativité, de légitimité et donc de démocratie. 

Une telle idée constitue un terrible aveu de faiblesse de la part du politique et singulièrement des parlementaires

Une telle idée constitue un terrible aveu de faiblesse de la part du politique et singulièrement des parlementaires car elle consiste en fait à se dédouaner sur le citoyen alors que celui-ci attend et est en droit d’attendre : de l’efficacité, une vie digne ainsi qu’un avenir décent et certain dans la mesure du possible pour ses enfants. Si nous avons des élus, c’est pour qu’ils assument les responsabilités que nous leur avons confiées grâce au suffrage universel !

Ce n’est pas en proposant des idées originales et/ou complexes telles que décrites ici que le politique va réconcilier le citoyen et produire les résultats attendus. Le politique doit prendre ses responsabilités, prendre de la hauteur à une heure où l’esprit d’État déserte de plus en plus la classe politique. Avant de vendre le tirage au sort et la circonscription fédérale, le politique doit faire son examen de conscience. Il doit le faire, entre autres en reconsidérant, en revalorisant davantage le rôle des parlementaires. Ces derniers doivent cesser d’avoir le petit doigt sur le bout de la couture du pantalon. Et dans ce cas-ci, ce n’est plus une question qui concerne l’État fédéral, mais bien l’État de droit. 

Lenny Ferretti, étudiant en droit à l’UMONS (Bachelier 2)

Le titre est de la rédaction. Titre original: « La circonscription fédérale ou le tirage au sort ne réconciliera pas les citoyens avec la politique« 

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