Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: quand l’Université de Gand sanctionne un prof jugé un peu trop déviant

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Malaise sur le campus de l’Université de Gand. Un enseignant de la Faculté de psychologie y est privé d’une partie de sa charge professorale et de l’emploi dans ses cours de son ouvrage  » Psychologie du totalitarisme ». Les autorités académiques invoquent des plaintes d’étudiants pour justifier ces sanctions qui frappent Mattias Desmet, populaire dans les milieux antivax à penchants complotistes pour son assimilation de la gestion de la pandémie de COVID-19 à des pratiques à relents totalitaires. Le professeur incriminé dénonce des « pratiques moyenâgeuses » attentatoires à la liberté d’expression et de recherche.

Mattias Desmet, 46 ans, professeur de psychologie clinique, n’est plus trop en odeur de sainteté au sein de l’UGent. Le voilà privé par les autorités académiques de la moitié de ses cours consacrés à la «critique sociétale», prié aussi de tenir hors de portée des étudiants son ouvrage Psychologie du totalitarisme, retiré pour «incorrections» de la liste des manuels autorisés à l’emploi à des fins pédagogiques. Cette semi-disgrâce fait pas mal jaser en Flandre où les avis divergent sur son bien-fondé, sa portée et le signal ainsi donné.

Il faut dire que lors de la crise sanitaire, ce professeur ainsi placé sous surveillance s’est taillé une réputation qui le poursuit et qu’il ne dédaigne pas entretenir. Il croit avoir trouvé dans la gestion de la pandémie de Covid-19 plus d’un indice de processus à relents totalitaires. Ses considérations critiques, en violation du consensus médical de l’époque et qu’il a jugé bon de rassembler dans l’ouvrage cité plus haut, lui valent d’être tenu en haute estime dans les milieux antivax à dominante complotiste. Sa notoriété internationale l’a même mené, voici quelques mois, sur le plateau du talk- show de l’américain Alex Jones, théoricien bien connu du complotisme. Mattias Desmet y a discouru sur «l’hypnose collective» infligée aux masses durant la pandémie et, selon lui, pas très éloignée de celle qui a pu conduire un certain Hitler au pouvoir en Allemagne.

Le professeur réprimandé fait appel contre ces décisions «moyenâgeuses» attentatoires à la sacro-sainte liberté de recherche et d’expression.

La véritable origine des malheurs du professeur viendrait plutôt de signaux d’alerte émis par certains de ses étudiants et de ses collègues quant à son intégrité scientifique. De quoi activer deux commissions internes à l’université, chargées de mener l’enquête avec les sanctions que l’on sait pour non-respect des fondamentaux requis dans l’art d’enseigner. Mattias Desmet est invité à se montrer davantage digne de la rigueur liée à sa charge professorale, et à revoir son ouvrage afin de le faire valider par la critique scientifique avant tout nouvel usage dans les auditoires. C’est tout? Oui, assurent les autorités académiques, qui ont l’intention d’en rester là: «Une mesure doit être proportionnelle au problème soulevé, je ne vois aucun élément qui nécessiterait une autre étape, comme une mesure d’ordre, une procédure disciplinaire, voire un licenciement», a précisé le recteur de l’université. De son côté, la faculté de psycho jure qu’il n’y a «rien d’idéologique» derrière la décision de sévir.

Comment, en effet, ne pas marcher sur des œufs quand c’est la liberté académique qui peut paraître malmenée. Le professeur réprimandé ne s’y trompe pas, qui juge sa réputation salie, brandit l’évaluation positive que lui attribuent ses étudiants et fait appel contre ces décisions «moyenâgeuses» attentatoires à la sacro-sainte liberté de recherche et d’expression dont se targue son université. «Osez penser, osez douter»? La belle affaire que voilà.

L’argument ne laisse pas insensible jusque dans les milieux académiques, où certains s’émeuvent et s’inquiètent de ce qu’ils considèrent comme un précédent potentiellement dangereux. En attendant, le nouveau martyr de la bien-pensance se consolera par ce regain de publicité donné à son ouvrage catalogué non recommandable.

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