Joseph Ndwaniye

Littérature: comment sauver les maisons d’édition, pour certaines au bord de la faillite?

Joseph Ndwaniye Infirmier et écrivain.

A l’instar d’autres opérateurs culturels (théâtre, cinéma…), le domaine de l’édition littéraire n’aurait-il pas besoin de plus d’aides publiques pour garder son indépendance et sa capacité de création?

Depuis quelques semaines, l’actualité littéraire belge est secouée par la cessation d’activité de la maison d’édition Onlit. Reconnue dans le milieu littéraire pour son sérieux, elle a publié des auteurs et autrices de talent comme Isabelle Wéry et son magnifique roman Poney flottant, finaliste du prix Rossel en 2019. Plusieurs personnalités du monde du livre (éditeurs, universitaires, libraires, auteurs) se sont succédé dans la presse pour évoquer les raisons de cette faillite et l’état de santé très fragile de l’édition en général.

Une des personnalités a souligné dans une carte blanche le combat inégal entre petits éditeurs indépendants et mastodontes. Selon elle, les grandes maisons intègrent tous les stades de la chaîne du livre, de la production du bois à la vente en librairie. Ce qui leur permet d’être gagnantes, financièrement, même quand un livre ne se vend pas et qu’il est mis au pilon. Le même écrivain faisait remarquer que 70% des titres publiés par les grands éditeurs ne se vendent pas à plus de mille exemplaires et 50% ne dépassent pas les cinq cents. Un ami auteur français, au fait de ce qui se passe dans les milieux littéraires, m’a affirmé qu’en France les ventes moyennes sont de 250 exemplaires. Ce qui signifie qu’aussi bien chez des grands que chez des petits éditeurs, il arrive que moins de cent ouvrages trouvent preneurs. Les différents intervenants dans ce dossier soulignent aussi le niveau trop faible des subsides octroyés aux éditeurs par les politiques culturelles belges, alors qu’elles en reconnaissent l’importance.

Ce sont des trajectoires littéraires qui risquent d’être perturbées, voire carrément stoppées.

En tant qu’auteur et heureux d’avoir été publié par d’excellentes maisons d’édition indépendantes belges, je suis hanté par la pratique du pilonnage que je n’ai pourtant pas encore dû subir. Sans doute par naïveté ou manque de lucidité, je ressens cela comme un manque de respect pour le travail de l’écrivain qui est au départ de tout ce système complexe de la chaîne du livre. Comment concilier création et rentabilité économique pour que chacun puisse en tirer profit et trouver sa place? Dans ce climat d’instabilité, il arrive qu’une fidélité se crée entre l’éditeur et l’auteur qui préfère rester, même quand il n’est pas satisfait des ventes de son livre, plutôt que d’aller chercher ailleurs.

Un sujet dont on ne parle pas assez quand survient la faillite d’une maison d’édition est la déshérence des écrivains qui se retrouveront seuls, revivant alors l’attente d’être choisis par un nouvel éditeur. Ce sont des trajectoires littéraires qui risquent d’être perturbées, voire carrément stoppées. Non seulement des écrivains se retrouvent du jour au lendemain sans éditeur, mais aussi des stocks de livres disparaissent en même temps que la maison, s’ils ne sont pas repris par une autre. Certains auteurs, heureusement, rebondissent chez un autre éditeur parfois moins fragile et voient leur destin littéraire prendre une tournure positive. Par quel moyen les écrivains pourraient-ils publier autrement leurs livres et disposer d’un réel poids dans les politiques culturelles globales? Certains tentent de trouver des solutions et invitent d’autres à les accompagner dans leur nouvelle aventure, tel Vincent Engel, à travers Edern éditions. A l’instar d’autres opérateurs culturels (théâtre, cinéma…), le domaine de l’édition littéraire n’aurait-il pas besoin de plus d’aides publiques pour garder son indépendance, sa capacité de création, de découvertes sans être bloqué par des considérations de rentabilité?

Joseph Ndwaniye est infirmier et écrivain.

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