Anne-Sophie Bailly

Accord avec Engie: Une «bonne affaire» pas encore conclue

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

L’accord conclu entre le gouvernement belge et Engie est important. Mais peut-on pour autant dire qu’il s’agit d’un bon accord?

Il y a des affirmations qui, à force d’être répétées, muent progressivement en vérités communément acceptées. C’est ce que d’aucuns espèrent pour l’«updated Heads of terms» signé entre le gouvernement et Engie qui encadre la prolongation, pour dix ans, des réacteurs nucléaires de Doel 4 et Tihange 3, en ayant à cœur de montrer combien le résultat de mois d’intenses négociations peut être qualifié de «bon accord».

Pour le prouver, le Premier ministre, Alexander De Croo, a avancé comme arguments principaux la réduction de la dépendance énergétique de la Belgique, la sécurité d’approvisionnement en électricité et une énergie décarbonée et bon marché.

Les marchés financiers ont enfoncé le clou en soutenant avec enthousiasme le titre Engie, saluant le transfert des obligations en matière de gestion des déchets de l’énergéticien vers l’Etat belge.

Quant à la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), qui a défendu les termes de l’accord devant la Chambre cette semaine, elle a pointé deux bonnes choses: un, le pollueur paiera ; deux, en matière de sécurité d’approvisionnement, les choses sont réglées pour les hivers à venir.

Aussi important que soit l’accord advenu la semaine dernière, il ne peut pour autant, et au stade actuel, être qualifié de bon. Et cet adjectif ne pourra lui être accolé tant que les incertitudes qu’il charrie resteront pendantes. Il en reste trois. Au moins.

Un: le redémarrage effectif. Le groupe français s’est engagé à tout mettre en œuvre pour que les deux réacteurs nucléaires soient effectivement relancés pour les hivers 2025 et 2026. C’est un engagement, pas une certitude.

Deux: la facture finale des déchets nucléaires. Pour Engie, le montant maximal est connu: quinze milliards d’euros plus une prime de risque. Mais rappelons que rien n’a été tranché sur la complexe question de l’enfouissement des déchets. Quelle technologie sera privilégiée? Que donnera la consultation citoyenne sur le sujet? Quels choix seront posés? Pour quelle ardoise finale à charge du contribuable belge?

Trois: le futur énergétique de la Belgique. Transition oblige, mobilité, industrie, chauffage tendent vers l’électrification, ce qui imposera, dès 2026, de trouver de nouvelles capacités. Engie et le gouvernement belge sont désormais co-investisseurs et partagent de ce fait les risques, les coûts, les bénéfices potentiels de leur société commune. Quid de l’éventuelle tentation de vouloir rentabiliser l’investissement dans cette coentreprise? Quid des choix qui pourraient devoir être posés entre un impératif financier ou de politique énergétique? Quid de nouvelles prolongations ou d’investissements dans des réacteurs de nouvelle génération? Les positions se tendent déjà autour de la question.

L’accord entre Engie et le gouvernement est signé. Mais est-il bon?

On peut donc répéter à l’envi que cet accord est bon, mais seules les générations futures pourront le qualifier adéquatement. Pour l’instant, c’est un accord signé. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas tout.

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