Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

Les mois filent et la Banque centrale européenne décrète le statu quo de son taux de refinancement. Ce taux d’intérêt, sur lequel la BCE a la mainmise, est actuellement de 2 % en Europe, alors qu’il s’inscrit à 1 % aux Etats-Unis. Les marchés des changes n’ont cependant pas perdu l’espoir d’un prochain abaissement de taux par la BCE. La preuve ? Le taux à 3 mois (taux court dans le jargon) de la zone euro s’élève pour sa part à 1,96 %. Le taux européen à 10 ans (taux long), lui, se situe aux alentours de 4 %. Ces deux taux sont la pierre angulaire de toute une série de produits bancaires, qu’ils soient de placement ou de crédit. Ce sont donc eux qui déterminent les conditions en vigueur dans les institutions financières.

Or ces deux taux n’ont cessé de refluer ces dernières années. Le rendement de l’obligation de l’Etat belge à 10 ans (OLO), fort proche du taux long européen, s’est ainsi établi à 4,18 % en moyenne en 2003 (4,05 % actuellement), contre 4,98 % en 2002 et 5,13 % en 2001. Le taux court (pour les dépôts à 3 mois) s’élevait, lui, à 2,33 % en moyenne en 2003 (2,01 % actuellement), contre 3,28 % en 2002 et 4,23 % en 2001.

Vu les taux en vigueur, la rémunération des placements liquides et défensifs est plutôt chiche pour l’instant. Pourtant, l’investisseur prudent a-t-il vraiment le choix, à l’heure où les marchés d’actions et d’obligations pourraient s’essouffler à moyen terme ? En attendant que l’orage passe, les investisseurs particuliers peuvent se mettre à l’abri d’un climat maussade en optant, au moins partiellement, pour les produits de placement à revenu garanti. Comme le rappelait le célèbre investisseur Warren Buffett début mars,  » devoir accepter de faibles rendements est pénible, mais ce l’est moins que de faire un placement boiteux « .

Les investisseurs ne semblent pas s’y tromper non plus. Fin 2003, l’encours des dépôts sur des comptes d’épargne réglementés, pour ne citer que ce produit de placement à taux garanti, s’élevait à 134 milliards d’euros ! Soit quelque 13 500 euros en moyenne par Belge, dont la propension à épargner reste l’une des plus importantes au monde. Les produits d’épargne résolument défensifs promettent de garder la cote dans le contexte chahuté que l’on connaît sur le front des marchés financiers. Il ne saurait cependant être question de planche de salut, répétons-le. Les taux réels û taux d’intérêt desquels on déduit le taux d’inflation, de 1,7 % actuellement en zone euro û sont à ce point anémiques pour l’instant qu’il faudra tabler encore un bout de temps sur des rendements sous perfusion. L’inverse serait suspect…

Ces produits de placement à revenu fixe se déclinent toutefois de bien des façons : certains sont davantage conçus sur le court terme et sont liquides (livrets d’épargne, comptes à haut rendement, bons de caisse à un an) alors que d’autres distillent leurs vertus défensives sur des périodes plus longues, de 2 ou 3 ans à 8 ou 10 ans en moyenne (bons de caisse et d’assurance, bons d’Etat et assurances-vie).

A très court terme, le traditionnel carnet d’épargne est incontestablement le placement le plus sûr et le plus liquide. Les taux qu’il affiche aujourd’hui sont cependant faibles. Dans les grandes banques (Fortis, Dexia, ING, CBC), il s’élève à 1,5 %. Les livrets à l’étal des banques de taille plus modeste sont un brin plus rémunérateurs. A l’heure actuelle, il est encore possible de dénicher un taux de base de 3 % (Finansbank, DHB Bank, Robeco Bank, Rabobank, entre autres).

Sur ces taux de base viennent se greffer des primes d’accroissement (PA) et de fidélité (PF). Dans les grandes banques (ING exceptée en raison d’une action commerciale), toutes deux se montent à 0,5 % pour le moment (PA de 2 % chez ING jusqu’au 30 mai 2004). Ces deux primes ne sont cependant pas cumulatives. La PA entre d’abord en considération pour autant que le dépôt effectué reste en compte 6 mois. Ensuite, la PF prend le relais, pour autant que le montant versé ne bouge pas d’un iota. Bref, il faut généralement attendre respectivement 6 et 18 mois pour que PA et PF soient comptabilisées, de manière séparée s’entend. Les banques les plus généreuses ne vont guère plus loin qu’un taux de 3,5 % pour l’instant sur une période de 18 mois û hors précompte de 15 % sur les montants excédant les 1 520 euros d’intérêts par compte(s) d’un ménage (soit 3 040 euros s’il y a deux comptes dans les ménage).

S’il convient d’être attentif aux dates-valeur, soit les dates de prise en compte par la banque pour les versements et les retraits, il faut l’être tout autant vis-à-vis des (nombreuses) actions commerciales sur les livrets d’épargne et des dates de versement des intérêts. Si le livret a l’air a priori simple, rien n’est moins vrai dans la pratique. Ainsi, la promotion du  » 1,5 + 2  » (taux de base de 1,5 % et prime d’accroissement de 2 %) laisse croire que l’on pourrait obtenir du 3,5 % sur un an. C’est faux. Le rendement s’élève à 2,75 %, la PA de 2 % n’étant valable que 6 mois, la PF de 0,5 % prenant ensuite le relais pour une durée de 6 mois également. Bref, mieux vaut examiner à la loupe la méthode de calcul des intérêts, qui manque singulièrement de transparence.

Gare aux dates

Prenons un autre exemple, celui d’une banque ne distribuant pas de prime d’accroissement mais bien une prime de fidélité. Dans ces banques (Argenta et Deutsche Bank, par exemple, dont les conditions sont parmi les plus intéressantes du moment), il faut attendre 12 mois avant que ne soit comptabilisée la prime de fidélité et attendre le 1er janvier de l’année suivante pour en voir la matérialisation sur le compte d’épargne. Si un versement a ainsi été effectué en août de l’année X, la prime de fidélité ne sera pas versée le 1er janvier de l’année X+1, mais bien au cours de l’année X+2 !

Plus simple et presque aussi liquide, le compte à terme (ou à haut rendement) permet à l’épargnant d’investir ses deniers sur une (courte) période déterminée, généralement de 3 mois à 1 an, sans devoir se torturer les méninges sur les modalités de calcul des intérêts. Cependant, les rendements en vigueur actuellement ne sont guère affriolants. A 3 mois, il faut tabler sur un rendement de 1,5 %. Au mieux… Et guère plus de 1,75 % à 6 mois.

Les bons de caisse et autres bons d’assurance sont également des produits incontournables dans le paysage de l’épargne défensive. Une différence de taille entre eux : le bon de caisse, qui se décline de bien des façons, est une obligation émise par une institution financière tandis que le bon d’assurance se loge dans un contrat d’assurance sur la vie. Rayon rendement, peu de différences toutefois. Les taux d’intérêt sont fort proches : 1,55 % à 1 an, 2,15 % à 3 ans et 2,70 % à 5 ans dans les grandes banques ; 1,75 %-2,75 %-3,25 % chez Argenta, la plus compétitive pour l’heure. Quant aux différents  » aléas fiscaux  » (taxe sur opérations de Bourse, précompte mobilier, etc.) affichés par l’un et l’autre de ces bons, ils divergent, c’est incontestable, mais les rendements restent fort proches malgré tout. C’est essentiellement sur les  » à-côtés  » qu’ils se distinguent : le bon d’assurance peut ainsi être assorti d’une couverture décès.

Un zeste d’assurance

A côté de ces classiques de l’épargne garantie, les assurances-vie individuelles peuvent elles aussi héberger des deniers à vocation défensive. Il faut cependant l’envisager dans une optique à plus long terme, car les comptes d’assurance, contrairement à ce que les assureurs voudraient parfois faire croire, ne sont pas aussi liquides que des comptes d’épargne. Certes, des retraits (moyennant frais de sortie) sont envisageables, mais le temps de réaction de l’assureur est plus important que lorsqu’il s’agit de prélever de l’argent de son compte d’épargne. Ne fût-ce qu’en raison de la paperasserie administrative à remplir.

Cela dit, les assurances-vie sont des produits de placement à prendre en compte dans une optique de long terme, voire dans une optique de planification successorale. Certaines d’entre elles donnent même lieu à quelques largesses fiscales si elles sont souscrites dans le but d’agrémenter une retraite légale (échéance aux 65 ans du preneur d’assurance), que l’on soit dans le cadre de l’épargne-pension (via des assurances-pension ou des fonds de pension) ou de l’assurance-vie. Du très long terme, donc.

Certaines assurances-vie n’ont cependant pas toutes pour vocation d’agrémenter la retraite. Les comptes d’assurance, qui ne sont rien d’autre que des assurances-vie flexibles û le taux est garanti mais il est susceptible de changement à tout moment û sont davantage orientés sur le moyen terme (5 à 10 ans, mais l’idéal est de 8 ans, pour éviter le précompte mobilier). Ces produits, défiscalisés, affichent actuellement un taux d’intérêt de 3,25 % dans la plupart des compagnies d’assurances, ces dernières se distinguant entre autres sur les participations bénéficiaires (PB) distribuées d’année en année en plus du taux garanti, sur les frais annuels (d’entrée, de sortie, de gestion, administratifs, etc.) et sur les couvertures d’assurances éventuellement proposées. L’an dernier, ces participations bénéficiaires n’ont que rarement dépassé le seuil de 1 %. Les plus connus de ces produits ? Afer (Afer Europe), Crest (Axa), Diamand Invest (Assurances fédérales), First (Ethias)…

Actuellement, les rendements de ces différents produits se tiennent de près et, si différence de rendement substantielle il y a, elle s’explique en grande partie par la qualité (de la gestion) des portefeuilles obligataires dans lesquels les primes des clients ont été réinjectées. A moins qu’une compagnie n’ait décidé de puiser dans ses réserves de l’année précédente pour faire un geste… Le leader du marché, First, affiche cette année un taux de 5,1 % (6,5 % il y a encore deux ans). Au vu du contexte de taux actuel et des perspectives en la matière pour les 12 mois à venir, il y a peu de chance que les taux en vigueur sur ces types de produits de placement prennent de la hauteur rapidement.

Comme de coutume, le choix de l’un ou l’autre produit de placement à taux garanti est essentiellement fonction des besoins immédiats de l’épargnant. Ces besoins déterminent en effet le profil de risque et la durée de placement. Cependant, au sein de l’une ou l’autre de ces catégories de placements défensifs choisies en conséquence, il ne saurait être question de différence notable en termes de rendement. Pour l’instant, du moins. Mais des différences existent, ne fût-ce qu’en raison des frais encourus à la souscription, plus ténus ici, ou du taux de base un brin plus élevé là-bas. Bref, que ce soit pour le court ou le long terme, sonder plusieurs institutions financières peut (doit) s’avérer payant. Quitte à se contenter d’un taux modeste pour l’instant, autant le faire en ayant opté pour la  » moins mauvaise  » des solutions…

François Mathieu

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