Umberto Eco

1 Pour son érudition. Longtemps, le philosophe et sémiologue italien, décédé à Milan le 19 février à l’âge de 84 ans, considéra les artistes ( » prisonniers de leurs mensonges « ) avec une certaine condescendance, tout en assouvissant plus ou moins secrètement sa passion du récit – ainsi sa thèse de doctorat sur l’esthétique de saint Thomas d’Aquin, à laquelle les hautes autorités reprochèrent la facture  » roman policier « . Puis, un jour, par provocation ou presque, comme il le racontait dans Confessions d’un jeune romancier, il décide d’écrire  » un roman d’au moins 500 pages… Je songeai alors qu’il serait amusant d’empoisonner un moine pendant qu’il lisait un livre mystérieux « . De la longue – et inconsciente – gestation littéraire de l’universitaire piémontais, nourrie par des années de fiches sur le Moyen Age et la visite des abbayes, est né le best-seller Le Nom de la rose (Grasset) – quelque 17 millions d’exemplaires vendus à travers le monde depuis 1980 et un film ébouriffant. Pris au jeu, Eco récidiva avec succès, alternant romans – Le Pendule de Foucault, L’Ile du jour d’avant, Le Cimetière de Prague… tous savamment traduits par le fidèle Jean-Noël Schifano – et essais de vulgarisation toute relative – Sémiotique et philosophie du langage, La Production des signes, etc.

2 Pour sa curiosité. Impossible de ne pas tomber sous le charme de ce Pic de La Mirandole, virevoltant d’un sujet à un autre et d’un siècle à l’autre. Sa curiosité semblait insatiable, comme ont pu notamment le constater, des années durant, ses lecteurs de L’Espresso. Autant de chroniques moqueuses (reprises en français dans Pastiches et postiches ou encore Comment voyager avec un saumon) sur la bêtise humaine, la sous-culture ambiante, le savoir scientifique moderne, les nouvelles mythologies… Dernière livraison du maître des mots : le recueil Pape Satàn Aleppe, sous-titré  » Chroniques d’une société liquide « , publié le 26 février par la nouvelle maison d’édition La Nave di Teseo, créée pour échapper aux griffes du propriétaire de Mondadori, Silvio Berlusconi.

3 Pour sa pugnacité. Jusqu’à son dernier souffle, ce bibliophile averti lutta contre la dématérialisation et pour le papier. En veilleur humaniste, l’auteur de La Guerre du faux gardait un oeil vigilant sur le grand barnum de la Toile, prompt à dénoncer ses errements, tout en réitérant sa foi dans l’avenir de l’imprimé (N’espérez pas vous débarrasser des livres, avec son compère Jean-Claude Carrière) et en alertant le monde sur les dérives de la presse (Numéro zéro).

M. P.

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