Tête chercheuse

Depuis trente-cinq ans, le galeriste Albert Baronian traque l’art contemporain. A son actif, plus de 200 expositions. La Centrale électrique lui a donné carte blanche. Rencontre.

Le Vif/L’Express : Vous avez 19 ans quand, à Londres, vous faites une découverte…

> Albert Baronian : J’avais été envoyé par mes parents pour étudier l’anglais. Je me suis retrouvé dans les musées et notamment à la Tate Gallery. C’est là que ma passion est née. Entre autres face à l’£uvre du peintre américain Mark Rothko. Or, dans ces années 1965-1966, le débat portait sur la question de savoir si on était pour ou contre l’art abstrait. J’avais aussitôt choisi d’être pour.

Peu après, vous faites une première rencontre décisive…

> Celle de Jo Delahaut, le peintre belge de la géométrie pure. Je l’écoutais. En 1967, je lui organise ma toute première exposition à l’université de Louvain où je suivais les cours de communication sociale.

En 1972, une grande exposition organisée par le Centre Pompidou consacre les nouvelles formes d’art nées dans la mouvance de la contestation de 68.

> Et quelques mois plus tard, j’organise ma première exposition dans mon appartement avec une série de dessins d’Antonio Diaz, un artiste brésilien vivant en Italie qui, dans la foulée va me faire rencontrer les grands noms de l’Arte Povera comme Luciano Fabro ou Giulio Paolini.

Dans la foulée, vous allez faire une deuxième rencontre décisive.

> En la personne de Daniel Dezeuze, un des acteurs du mouvement français Support-Surface. Son discours théorique me révélait l’utilité de l’art, celle de la recherche, son engagement sur le terrain philosophique et politique.

Dans les années 1970, Bruxelles compte très peu de galeries d’art contemporain. Comment vous hissez vous aux premières places ?

> En 1976, je rencontre par hasard, à la Fiac, le directeur de la galerie Cogeime, Yvan Lechien. Nous sympathisons. Il me prend sous son aile protectrice et m’inscrit dans l’association des galeries d’art bruxelloises qui organisait déjà des minifoires dans la galerie Louise. J’en deviens assez vite secrétaire puis président.

En trente-cinq ans, le monde de l’art a beaucoup changé ?

> L’art contemporain est devenu à la mode au grand dam des antiquaires. Il est de bon ton d’acquérir des £uvres actuelles. Du coup, le nombre de galeries a augmenté et les prix ont explosé. A mes débuts, je vendais un dessin original pour 250 euros. La classe moyenne pouvait s’acheter cela. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les jeunes entrent dans un système de marketing agressif, s’organisent en réseaux et entrent très vite dans les plus grandes galeries. A 25 ans, le prix de leur tableau atteint déjà 100 000 euros. Et pourtant on n’a jamais autant vendu. Ce succès a aussi généré beaucoup de  » fabricants d’art « .

L’exposition de la Centrale électrique relève-t-elle de la nostalgie ?

> Pas du tout. Presque toutes les £uvres présentées ont été réalisées pour l’exposition, soit par des jeunes créateurs, soit par des artistes que j’ai défendus depuis mes débuts comme Gilberto Zorio, Giulio Paolini, Mario Merz ou Daniel Dezeuze.

Nothing is permanent, Centrale électrique, 44, place Sainte-Catherine, Bruxelles. Jusqu’au 29 septembre. Du mardi au dimanche, de 10 h 30 à 18 heures. www.brupass.be

ENTRETIEN : GUY GILSOUL

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