Sous le volcan

l Certains romanciers ont le don de plonger leurs héros dans des contextes aventureux qui mettent ceux-ci face à eux-mêmes alors que, poursuivis par un passé trouble et confrontés à un avenir douteux, ils ne cherchaient qu’à oublier et, surtout, à s’oublier. Quelles que soient alors leurs raisons d’agir, les obstacles à surmonter les contraignent à des choix qui en viennent à les sortir de cet effacement et à leur re-sculpter une identité, fût-elle à la fois cadeau et fardeau. A cet égard, en lisant le dernier livre de Georges-Olivier Chateaureynaud, on songe à certains écrivains anglo-saxons comme Graham Greene. Mais aussi comme Jack London, pour l’efficacité chirurgicale qui fait tout le suc du récit d’aventures. Sans douter pour autant que l’auteur ne soit ce romancier bien français tant par l’esprit que par le génie d’une langue qu’il fait chanter comme une maîtresse heureuse. Au fond du paradis (titre paradoxal qui mobilise l’enfer en filigrane) se déroule sur une petite île anglaise du Pacifique, dominée par un volcan vicieux et où Saule – un Français autrefois embrigadé dans une cellule terroriste et hanté par l’attentat meurtrier auquel il a collaboré – s’est réfugié et où la hiérarchie locale, encore pénétrée des nonchalances insulaires et coloniales, ne s’est apparemment pas inquiétée d’en savoir plus sur son passé. Il y survit de peu grâce aux produits de sa pêche et aux services qu’il rend à une famille de notables. Alors que le volcan se réveille et que les autorités font évacuer l’île, Saule, chargé d’une mission particulière (et lucrative) par la (très séduisante) femme du gouverneur, reste sur les lieux et affronte un certain nombre d’événements dont l’éruption n’est pas toujours le plus périlleux.

A la  » faveur  » de ce cheminement physique et mental de Saule dans la solitude – bientôt relative – de l’île en convulsion, on doit à l’auteur des pages d’une fulgurante maîtrise, notamment lorsque le volcan passe à l’action. Quant à l’ironie du sort qui fait du tueur en gros un héros médiatisé, il restera à Saule d’en interpréter le ricanement.

Cela dit, dans un récent recueil de nouvelles, une certaine Dominique Costermans fait dire à son  » héroïne  » à propos de Georges-Olivier Chateaureynaud – traité au passage d’enculé, ce qui donne le ton – que, pour contredire l’admiration de son prof de lettres, elle a décidé de ne jamais le lire. On ne saurait douter que l’auteur ait fait le même choix.

Au fond du paradis, par Georges-Olivier Chateaureynaud. Grasset, 287 p.

ghislain cotton

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