Recettes pour un sursaut vital

Le verdict des urnes est tombé. Le centre de réflexion Itinera Institute administre une piqûre de rappel aux politiques. L’économiste Jean Hindriks détaille les remèdes à appliquer.

Le Vif/L’Express : Votre mémo sonne comme un programme de salut national ?

Jean Hindriks : La campagne électorale a dégagé un parfum de décadence romaine. Les électeurs ayant voté, la surenchère électorale doit s’effacer au profit de la réalité des négociations.

Une saine coopération entre le fédéral et les entités fédérées, un enseignement de qualité mais égalitaire, une fonction publique plus performante, une politique de santé responsable et solidaire, un soutien à l’innovation et aux énergies vertes… Ces priorités n’enfoncent-elles pas des portes ouvertes ?

Face à une inflation de promesses électorales impayables, nous avons voulu trouver le plus grand dénominateur commun, articulé autour de sept thèmes d’action essentiels mais souvent traités de manière méprisante par les partis.

Vous prônez une plus grande responsabilisation financière des Régions, moyennant un système de bonus-malus en fonction des objectifs atteints. N’est-ce pas enfoncer un coin dans la solidarité interrégionale ?

Responsabilité et solidarité vont de pair. Nous sommes confrontés à un fédéralisme d’opposition et de consommation qui pousse les Régions à dépenser de manière excessive en s’alimentant à un Etat fédéral déjà en faillite. La solidarité n’est plus gérée correctement. Le système doit fonctionner au bonus, à la récompense si les résultats sont effectivement atteints.

Cela passe par une autonomie fiscale accrue des Régions ?

Nous ne sommes pas demandeurs. On peut en discuter pour l’impôt des sociétés : mais alors en ajustant les dotations versées aux Régions, afin de dissuader toute concurrence fiscale.

Un enseignement plus performant passe, selon vous, par une plus grande autonomie de gestion accordée aux écoles. C’est la recette de la Flandre. Là où, en matière d’inscriptions scolaires, on continue aussi d’appliquer le principe du  » premier arrivé, premier inscrit « …

Ce mécanisme est tout aussi décevant et discriminatoire en Flandre, et nous ne le recommandons pas. L’enseignement flamand est plus performant mais tout aussi inégalitaire que le francophone. La variable majeure qui explique sa meilleure performance, c’est la plus grande autonomie accordée aux directeurs d’école, notamment en gestion des ressources humaines : pouvoir de recruter, nommer, licencier.

Une fonction publique plus performante, plus productive… et nécessairement dégraissée ?

Pas forcément. La fonction publique a besoin d’un plan sérieux de remise en forme. Qui suppose une hygiène politique : plus d’éthique, contrôle et transparence des marchés publics, une obligation de résultats. Du fitness, qui lui permette de retrouver un poids correspondant à sa taille : ne plus remplacer pour le plaisir de remplacer, mais en fonction des besoins. Tous niveaux de pouvoir confondus, 400 000 fonctionnaires partiront à la retraite d’ici à dix ans. Ce qui dégagera 10 milliards d’euros qui pourraient servir à revaloriser les barèmes de jeunes fonctionnaires moins chers à l’embauche. Enfin, un volet musculation, qui doit attirer des compétences au sein de la fonction publique. Ce qui passe par une meilleure rémunération.

Votre catalogue de recettes n’est-il pas plus séduisant pour la Flandre et plus facilement audible pour une coalition de centre-droit ?

En ne préconisant pas de régionalisation de la politique de l’emploi ni d’autonomie fiscale accrue pour les Régions, nous allons faire dresser des cheveux sur des têtes, en Flandre… Les enjeux sont si terribles qu’on a besoin de toutes les forces pour les relever. Dans un tel contexte, déclarer un parti infréquentable est politiquement irresponsable.

Mémorandum disponible sur le site www.itinerainstitute.org

ENTRETIEN : PIERRE HAVAUX

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