" On a besoin de ressentir certaines horreurs à distance "
Le cinéaste canadien David Cronenberg se confie au Vif/L'Express, en exclusivité pour la Belgique, sur son univers dérangeant. La Mouche, Videodrome, eXistenZ ou Crash, autant de films culte. La violence crue, la perversité, les métamorphoses du corps ou de la personnalité ne cessent de le hanter. Le réalisateur, d'une grande simplicité, prétend pourtant que sa vie rangée pourrait rimer avec ennui s'il n'avait pas un imaginaire débridé qui accouche de créations suscitant l'effroi. Son premier roman, Consumés (1), qui paraît en français, s'inscrit dans cette tradition. Un duo de photojournalistes amoraux est prêt à tout pour décrocher un scoop. Une intellectuelle dévorée à Paris et un médecin malsain les entraînent dans un périple kafkaïen. Glauque et tortueux, le livre nous parle de la folie des hommes. " L'écriture et le cinéma ne me paraissent pas complémentaires ; ils correspondent plutôt à deux parts qui cohabitent en moi ", confie David Cronenberg. La première n'est pas le fruit du hasard ; son père était journaliste et auteur. " Je m'endormais au son de sa machine à écrire. " Aujourd'hui, ça l'amuse d'imaginer des cauchemars éveillés franchissant nos " zones grises " insoupçonnées. Comme s'il prenait un train fantôme en sachant qu'il peut en sauter à tout instant. Un effet catharsis qui atteint, par ricochets, les lecteurs mi-effrayés, mi-intrigués.
" Le conflit est le seul moyen pour Poutine de rester "
Mine renfrognée, Garry Kasparov contemple par la fenêtre le Chrysler Building et l'imposant Rockefeller Center, les pièces géantes de son échiquier new-yorkais. Exilé aux Etats-Unis depuis trois ans, le titan des échecs dirige de son bureau de la 6e Avenue une fondation qui promeut le jeu des rois dans les écoles, de Madagascar à la Croatie, mais il nous reçoit ce jour-là pour régler son compte au prince du Kremlin, Vladimir Poutine, cible de son nouveau livre, Winter is coming, dont la traduction est parue en Belgique ce 21 janvier (1). S'il compare le " dictateur " à Hitler et aux parrains de la mafia, le détracteur le plus virulent du maître de la Russie n'épargne pas non plus, avec fureur et érudition politique, les dirigeants occidentaux, coupables à ses yeux de capitulation devant Moscou.