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«On a mis dans mon journal de classe: “Marie-Christine est brutale”»

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Comment se fabrique un engagement? Un livre peut-il changer une vision du monde? Une rencontre peut-elle faire bifurquer un chemin politique? Une chanson peut-elle donner du sens à un combat? Chaque mois, entre parcours intime et questions de doctrine, le podcast «Le sens de sa vue» dissèque ce qui a construit l’idéal politique d’un invité.

Elle aime le classique, y compris en musique, et le combat, surtout en politique. «Je suis un être d’action. L’ action, c’est la volonté et le plaisir d’exister. Pas par l’agressivité nécessairement. Mais quand je vois l’injustice, j’ai envie de me battre. Et le combat, le combat rapproché, j’adore ça!», déclare Marie-Christine Marghem, avec un sourire en coin.

«Moi, je ne suis jamais jalouse. Si je veux quelque chose, je le prends, point», appuie cette fille d’un pharmacien tournaisien, scolarisée dans l’enseignement catholique, qui choisit d’aller à l’ULiège parce qu’elle avait envie «de changer de sociologie». Devenue avocate, elle est candidate aux élections communales de 1994. Sur une liste PSC, et alors que le PRL l’y avait invitée. Enthousiasmée par la personnalité de Gérard Deprez, elle le suivra lorsqu’il quitte le PSC et rejoint, avec son nouveau Mouvement des citoyens pour le changement, la fédération PRL-FDF. Elle est aujourd’hui présidente du MCC. Elle a été ministre fédérale de l’Energie. Elle ne l’est plus. Mais elle est toujours députée fédérale. Parce qu’elle l’a choisi. Et puis parce qu’elle se bat toujours.

La Scène: Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas

Elle choisit ce classique de la littérature française parce que la vengeance d’Edmond Dantès, «c’est l’injustice, c’est la volonté de s’en sortir, c’est la chance, savoir la saisir. Et c’est réparer le tort. C’est fondamental, réparer le tort.» Est-ce à dire que la vengeance, alors, peut être un ressort de l’action politique? «La vengeance, pas. Mais la réparation, oui. Edmond Dantès répare, et fait le bien», assène Marie-Christine Marghem. «Donc oui, c’est de la justice privée, poursuit-elle. Mais c’est un roman. On est au XIXe siècle. C’est ce qui touche les émotions du lecteur, pour lui faire comprendre qu’il faut respecter autrui.» C’est un complot mené par un jaloux qui a envoyé Dantès en prison. Et la jalousie, ça aussi, ça peut être un ressort politique. «Evidemment! La jalousie, souvent, est présente dans l’agressivité qu’on développe à votre égard. Mais moi, je ne suis jamais jalouse. Si je veux quelque chose, je le prends, point.»

Le Soi : Bagarre à la récréation

Elle devait, dit-elle, avoir 3 ou 4 ans. L’âge où la société vous confronte. «Certains avaient décidé que j’étais une sorte d’animal bizarre et étaient déterminés à me le faire sentir. Et comme j’ai toujours été une grande gueule, les petits garçons voulaient montrer qu’ils étaient plus forts que moi. Je me suis défendue. J’ai eu des coups de pied, des coups de poing. Et ils ont reculé. On a mis dans mon journal de classe “Marie-Christine est brutale”, le sommet de l’injustice! Et là, je pense, je me suis dit “jamais de toute ta vie tu ne te laisseras faire”. S’il n’y a pas de place à côté, on peut comprendre qu’on vous marche sur les pieds. Mais s’il y a de la place et qu’on vous marche quand même sur les pieds, c’est une agression…» C’est de là, peut-être, que lui vient ce goût du combat.

Le Savoir : Les Mémoires de Raymond Aron

Elle choisit ce classique du libéralisme français contemporain, alors qu’elle-même ne se dit «sans doute pas libérale au sens belge». Mais elle a été «sciée» par ces mémoires, lus «pendant ces voyages en train vers Liège, lorsque je suis entrée à l’université. Ça prenait trois heures. J’ai eu l’occasion de lire et de tricoter», se rappelle-t-elle. Sciée, donc: «Je me suis dit “voilà quelqu’un qui a exploré dans les moindres détails, avec lucidité, et avec nuance, les événements de son temps. Et qui a su y naviguer sans commettre de grandes erreurs, y compris la grande erreur de beaucoup de ses contemporains.” Rappelez-vous Yves Montand et Simone Signoret! Il a choisi le libéralisme contre le communisme et son obscurantisme. Et j’ai aussi retrouvé chez Aron la lutte contre l’injustice, c’est central dans ma vie.»

Le Son : Concerto pour clarinette de Mozart

C’est une musique sans parole, de la musique classique sans politique. Quoique. Elle peut aider à mettre un peu d’ordre, même dans les esprits les plus déterminés. «On peut avoir une partie de sa vie dans le combat et une autre dans l’harmonie. Le matin, quand je me lève, je suis comme un croisé qui prend son armure, ses épées, et quand je termine ma journée, je suis dans l’harmonie. Ce concerto, c’est celui que mettait mon père sur un pick-up quand il avait fini sa journée. La musique, c’est toute ma vie», affirme-t-elle, fermement. Comme si le silence après du Marghem était encore du Marghem.

La Suite : Bart De Wever

Elle voulait d’abord entendre un Ecolo. Mais elle a changé d’avis, parce que «les relations sont devenues impossibles avec eux». Alors, lâche Marie-Christine Marghem, «j’ai choisi Bart De Wever. Et je voudrais parler avec lui de la Belgique.» On lui répond que c’est nous qui allons parler avec lui et pas elle, et alors elle coupe. «C’est dommage, j’aurais préféré le faire moi-même.» Parce qu’elle voudrait savoir comment on peut encore aspirer à l’indépendance de la Flandre, alors que le nationalisme ne lui semble plus tellement dans l’air du temps. Et que la Belgique est si chouette. «Je lui demanderais pourquoi les statuts de son parti sont aussi dépassés par les événements. J’adore les Flamands. J’adore la Flandre. Je voudrais les convaincre, ces indépendantistes, du bien-fondé d’une conjugaison de nos talents respectifs dans la Belgique», conclut-elle. Sûre de le faire mieux que nous.

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