Maurice Lippens sur la corde raide

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Pour apaiser les marchés et les actionnaires de Fortis, son patron, Jean-Paul Votron, est poussé vers la sortie. Mais son départ ne semble pas suffire : le président Maurice Lippens reste en grand danger.

Deux jours après l’annonce de son retrait, le site de Fortis n’avait pas encore été mis à jour : Jean-Paul Votron y était toujours présenté comme l’administrateur délégué du groupe. Ce n’est plus le cas. L’homme a payé au prix fort le mécontentement des actionnaires, la chute vertigineuse du cours en Bourse et une communication hasardeuse. Mais il est le seul à payer. Le conseil d’administration du bancassureur, qui a mis de longues heures à se décider, n’a, officiellement, égratigné personne d’autre. Le président Maurice Lippens s’en sort bien. Du moins jusqu’à présent.

Il en faut plus, sans doute, pour le faire vaciller. L’homme, que l’on qualifie volontiers de  » parrain de l’économie belge « , bénéficie d’un solide réseau de relations pour le soutenir en cas de coup dur. Son CV de dinosaure des affaires reste impressionnant : outre son poste de président de Fortis, qu’il occupe depuis 18 ans, Maurice Lippens est administrateur de GBL et de Belgacom, président de la Compagnie du Zoute et président de l’Institut belge de la Gouvernance. On lui doit surtout le rapprochement entre les AG et le groupe néerlandais Amev, en 1990, puis le rachat de la CGER, trois ans plus tard, avant celui de la Générale de Banque, en 1997, au nez et à la barbe de… ABN-Amro. Un titre de comte tomba, du coup, dans l’escarcelle de ce chantre de la belgitude. C’est encore lui qui était à la man£uvre, avec le vicomte Etienne Davignon, pour relancer une compagnie aérienne, SN Brussels Airlines, sur les cendres de la Sabena. Jusqu’au rachat de ABN-Amro, l’an dernier, par Fortis, Santander et Royal Bank of Scotland.

L’appel à candidatures est lancé

Maurice Lippens n’est évidemment pas n’importe qui. Mais en sacrifiant Jean-Paul Votron (lire Le Vif/L’Express du 10 juillet), il n’a pas, pour autant, sauvé sa peau.  » Le conseil d’administration n’a pas voulu éjecter Votron et Lippens en même temps. Il a préféré l’option  » salami « , c’est-à-dire en tranches, précise un analyste. D’ici à un an au maximum, Lippens aura quitté Fortis, mais en douceur, et en choisissant lui-même son successeur.  »

En attendant, l' » affaire  » Fortis fait les choux gras de la presse économique internationale. Cinglant honneur… Le Wall Street Journal Europe et le Financial Times estiment que la tête de Jean-Paul Votron ne suffira pas pour ramener la confiance parmi les investisseurs : ils attendent à présent que celle de Maurice Lippens tombe.

En attendant, c’est Herman Ver-wilst, actuel n° 2 du groupe, qui a pris le relais de Jean-Paul Votron, parti avec une indemnité de 1,3 million d’euros. Pendant cet intérim, on lui cherchera un successeur. Le nom de Filip Dierckx, qui siège également au comité exécutif de Fortis, est régulièrement cité.

Les organisations de défense des actionnaires, elles, restent sur leur faim. Test-Achats et Deminor, qui avaient réclamé la tenue d’une assemblée générale extraordinaire pour obtenir enfin des informations transparentes sur la situation financière de Fortis, n’ont pas reçu de réponse.  » Nous avons également demandé d’avancer la publication des chiffres semestriels, prévue le 4 août. En vain, regrette Jan Bleyens, associé chez Deminor. Pour nous, ne pas communiquer, dans un tel contexte, revient à mal communiquer. La question de la clarification des informations financières est, pour l’instant, plus importante que celle des personnes. Mais un vote de confiance devra intervenir.  » Deminor et Test-Achats n’excluent pas de recourir à d’autres moyens de pression, notamment judiciaires, pour obtenir gain de cause.

Aux Pays-Bas, l’autorité de surveillance des marchés financiers a ouvert une enquête pour confirmer ou infirmer les soupçons de désinformation, de la part de la direction de Fortis, à propos de la santé financière du groupe.

Laurence van Ruymbeke

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire