Marina Abramovic, 700 heures face à son public !

Cinquième épisode de notre série d’été sur une pratique artistique contemporaine qui suscite la polémique : la performance. Repoussant sans cesse les limites du supportable, un pan entier de la production actuelle met sous tension les nerfs du spectateur.

A l’image de la danse ou du théâtre, la performance est une discipline artistique à part entière. Par essence éphémère, elle ne garde que quelques traces vidéo et photographiques. Ponctuellement, le public est invité à assister à ces cérémonials lors d’un vernissage ou d’une soirée privée. C’était sans compter l’abnégation totale de la Serbe Marina Abramovic (Belgrade, 1946). Star du body art, l’artiste vient de payer de sa personne en se présentant face au public pendant toute la durée de son exposition au MoMA de New York. Une prestation invraisemblable.

Reconnue pour pousser le spectateur hors de sa zone de confort, Marina Abramovic n’hésite pas à s’exposer elle-même à la douleur par des procédés, sinon sanglants, complètement ahurissants. Une de ses performances invitait le public à la toucher, l’embrasser, la dévêtir ou la blesser avec divers objets (fouet, ciseaux, rose…). Cherchant à atteindre des états psychiques extrêmes ou à repousser les limites de la souffrance, l’artiste s’essaie à différentes expériences qui laissent pour le moins perplexe. L’une d’elles la présente se coiffant, machinalement, violemment, jusqu’à la destruction de ses cheveux ! Dans une autre, l’artiste s’écroule d’épuisement total au bout de huit heures de danse frénétique. Au début, on trouve cela très drôle, puis, très vite, on rit jaune.

 » Mais comment fait-elle ? « 

Au MoMA, la resplendissante sexagénaire vient de livrer la plus longue performance de ses quarante années de carrière. Le dispositif est simplissime. Assise au centre de l’atrium, Marina Abramovic invite implicitement le public à s’asseoir face à elle. Le visiteur qui en a l’envie s’installe. L’un et l’autre se fixent. Certains impatients ne restent que deux minutes, d’autres plusieurs heures. Quelques-uns reviennent à de multiples reprises ou éclatent en sanglots. Ressortant de l’expérience bouleversés, la plupart retiennent la force du regard de l’artiste, la conversation silencieuse qui s’installe mais aussi l’érotisme latent que dégage ce tête-à-tête intemporel. En deux mois et demi, soit près de 700 heures, Marina Abramovic aura scruté – totalement taiseuse et impassible – le visage de plus d’un millier de visages.

Notons au passage que pour accéder aux salles d’exposition, le public devait se faufiler entre deux artistes entièrement nus, se tenant face à face immobiles dans l’encadrement étroit d’une porte. Il suffit alors de vaincre son inconfort et de choisir si l’on traversera ce rite initiatique face à l’homme ou à la femme. Le musée a néanmoins aménagé une seconde entrée pour les personnes vraiment gênées par ce trop-plein de nudité.

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GWENNAëLLE GRIBAUMONT

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