Lucide comme George Clooney

L’acteur au charisme impressionnant commente Solaris

Le pied plâtré suite à un accident de basket-ball, George Clooney n’en affiche pas moins une bonne humeur communicative au moment de commenter ce Solaris où il livre la performance à la fois la plus sobre et la plus riche de sa déjà remarquable carrière. « Le personnage apparaît certes complexe, mais il était paradoxalement plutôt simple à jouer, explique l’acteur au charisme impressionnant, parce qu’il me suffisait de me concentrer sur un impératif: rendre chaque situation, chaque moment, tel qu’en lui-même et sans le placer dans une continuité englobant tous les autres. D’habitude, quand vous jouez une scène, vous savez ce qui la précède et ce qui va la suivre, vous savez quel est le but précis de la scène en question. Mon personnage dans Solaris ignore, lui, quel est son but et même le sens de ce qui lui arrive. J’ai donc joué chaque scène au présent, le plus simplement possible, en écoutant Steven lorsqu’il me disait: « Ajoute 20 % de deuil existentiel »… C’est un expérimentateur, il se soucie moins d’apporter des réponses que de poser des questions. Il faut accepter, avec lui, de donner ce qu’il demande sans savoir quel sera le résultat final. Et je le fais volontiers! En me fichant de savoir si le film marchera ou non. D’ailleurs, il ne m’a pas rapporté un sou (1). Solaris est le genre de films dont je serai fier qu’on le cite le jour où j’aurai 70 ans et qu’on me réservera un de ces inévitables hommages « pour l’ensemble de ma carrière « …

Entre Soderbergh et Clooney, la complicité est totale. Depuis que le premier a fait du second, vedette de la télévision avec la série Urgences, une star de cinéma dans Hors d’atteinte, ils se sont retrouvés pour Ocean’s Eleven, un triomphe public qui a sans doute permis de concrétiser le projet nettement moins commercial qu’est Solaris. Soderbergh et Clooney ont par ailleurs fondé ensemble une société de production, à laquelle on doit des films comme Insomnia et le tout récent Bienvenue à Collinwood.  » Tout l’argent que peut rapporter un de nos films va au projet suivant, commente Clooney, nous ne sommes pas dans le besoin et ce qui compte pour nous est de donner vie à des oeuvres qui ne partent pas du principe que le public est largement composé d’imbéciles incultes. » L’acteur concède en souriant que « l’inculture ne cesse de progresser », mais ajoute que « la réponse que nous avons choisie n’est pas de baisser le niveau de nos films pour suivre la tendance mais de le maintenir au contraire jusqu’à ce que les choses s’améliorent… ou jusqu’à ce qu’on nous force à aller nous faire pendre ailleurs! »

Nous reviendrons bientôt, en sa compagnie, sur le premier film réalisé par Clooney, Confessions of a Dangerous Mind, où l’homme confirme que son talent possède décidément plus d’une surprenante facette. « La question majeure, quand le succès vous donne un certain pouvoir dans l’industrie du film, c’est celle de savoir ce que vous allez en faire, conclut-il, lucide. Tout comme Steven, j’ai choisi de l’utiliser non pas pour un profit direct (Combien de centaines de millions de dollars faut-il aux vedettes? Moi je pourrais arrêter de travailler demain et vivre très confortablement!) mais pour le mettre au service de la création. Lorsque nous produisons un film, Steven et moi, notre nom nous fait obtenir le « final cut », le pouvoir sur le montage final du film. Eh bien, nous le rétrocédons immédiatement au réalisateur, qui se retrouve ainsi à l’abri de toute interférence de la part de ceux qui financent le film… et qui doivent s’en faire une raison! »

L.D.

(1) Soderbergh et Clooney travaillent en « participation ». Ils ne touchent aucun salaire fixe, pour limiter le budget du film et aider à son financement, mais sont (largement) intéressés aux profits éventuels. Qui furent énormes pour Ocean’s Eleven mais nuls – aux Etats-Unis- pour Solaris. « Je hais les gens qui demandent 20 millions de dollars de salaire pour faire un film, déclare sans ambages Clooney, car ils renforcent cette maudite tendance qu’a Hollywood de ne produire presque exclusivement que des films à gros budgets visant le plus petit dénominateur commun pour assurer un succès direct… et payer leurs fichus 20 millions de dollars à ces gens que je déteste! »

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