Les portes du pénitencier

Gouvernement fédéral et Communautés ont trouvé un accord à l’arraché sur l’enfermement des jeunes délinquants. Mais la polémique autour des prisons pour mineurs est loin d’être close

Le centre fédéral fermé pour mineurs délinquants, qui devrait voir le jour, a annoncé Guy Verhofstadt, à la fin du mois de février, à Everberg (Brabant flamand), suscite la controverse. Décidée dans l’urgence, la création de cette « prison » pour jeunes dans l’ancienne caserne d’une brigade de paracommandos a finalement fait l’objet d’un accord de coopération entre le gouvernement fédéral et les deux Communautés. La signature définitive du texte est prévue pour le 25 février.

Pour aboutir à un consensus, le Premier ministre Guy Verhofstadt a dû venir épauler son ministre de la Justice, Marc Verwilghen, dans la négociation. Face à cette armada VLD, la ministre flamande Mieke Vogels (Agalev) et son homologue de la Communauté française Nicole Maréchal (Ecolo), toutes deux en charge de l’Aide à la jeunesse, n’ont plus opposé qu’une faible résistance. Bien que prévisible, la situation de crise vécue par les magistrats de la jeunesse, essentiellement à Bruxelles, a également joué en leur défaveur.

En effet, depuis le début de cette année, ceux-ci ont été obligés de relâcher plusieurs délinquants graves qu’ils estimaient devoir mettre provisoirement au frais en attendant une décision du juge. Le problème n’est guère nouveau. Les sections fermées des Institutions publiques de protection de la jeunesse (IPPJ) affichent désespérément complet et les juges ne peuvent plus envoyer provisoirement un mineur en prison, comme le leur permettait l’article 53 de la loi de 1965 sur la protection de la jeunesse, qui a été abrogé le 1er janvier dernier.

Ce n’est pas faute d’avoir prévenu les responsables politiques. Mais, voilà, les mesures éducatives que Nicole Maréchal a préféré opposer au retour du bâton souhaité par Verwilghen se sont avérées insuffisantes, voire inadéquates, pour certains délinquants multirécidivistes. On peut regretter que ce soient ces mineurs minoritaires, mais dangereux, vis-à-vis desquels aucune réaction efficace n’a été mise en place, qui dictent la règle. Pour le délégué général aux Droits de l’enfant, Claude Lelièvre, le centre d’Everberg était évitable. L’ancien éducateur pour mineurs délinquants considère qu’une gestion plus rigoureuse des IPPJ par la Communauté française aurait permis de dégager des places pour répondre aux besoins de placement d’urgence par les juges de la jeunesse.

En fait, ce sont les missions de ces institutions publiques qu’il faudrait sans doute revoir dans leur ensemble. Dans ce cadre, Maréchal et Vogels ont renvoyé le gouvernement fédéral face à ses responsabilités concernant la prise en charge de mineurs toxicomanes lourds ou souffrant de troubles psychiatriques. Ces derniers sont actuellement placés en IPPJ, alors qu’ils devraient être traités en milieu hospitalier. Des expériences sont également réalisées, depuis plusieurs mois, pour assurer le suivi de jeunes délinquants en dehors de l’institution: en clair, il s’agit d’encadrer un mineur, par un éducateur, dans son milieu de vie (famille, école, quartier, employeur, CPAS). Cette mesure permet non seulement de diminuer la durée du séjour en IPPJ, mais elle semble aussi, grâce à son efficacité, porter ses fruits au niveau du taux de récidive. Ce genre de probation ou de guidance intensive pourrait être menée à plus grande échelle, voire remplacer tout simplement certaines décisions de placement, d’autant que cela coûte moins cher au contribuable.

Mais, pour l’heure, c’est le centre fédéral fermé qui retient toutes les attentions. Selon l’accord de coopération dégagé le 28 janvier, le nombre de places prévues à Everberg sera de 10 au départ, avec un plafond de 50 en fonction des besoins. Chaque augmentation de places fera l’objet d’une décision entre représentants du fédéral et des Communautés. Claude Lelièvre s’interroge cependant sur une offre d’enfermements aussi importante. Entre 10 et 50 places, il y a en effet une énorme différence. Car, si le placement est de quinze jours au maximum, comme le prévoit l’accord, cela représente, dans le premier cas, 240 enfermements possibles sur une année et 1 200 dans le second ! A titre de comparaison: en 2000, il y a eu 375 emprisonnements décidés par les juges de la jeunesse, dans le cadre de l’article 53 abrogé. Protéger ou sanctionner les mineurs délinquants ? Le débat sur le projet de réforme de la loi de 1965 par Marc Verwilghen est bel et bien lancé.

Thierry Denoël

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