Giancarlo Giorgetti, à l’Economie et aux Finances, aux Affaires étrangères: une figure marquantes du gouvernement Meloni. © getty images

Le sacre de la droite patriote

Le Vif

Première cheffe de gouvernement issue de l’extrême droite, Giorgia Meloni a bâti un gouvernement à son image. Il préfigure une Italie plus conservatrice mais qui devrait demeurer «proeuropéenne et atlantiste».

Celle que le vieux sphinx de la politique italienne, Silvio Berlusconi, aimait appeler, avec un soupçon de paternalisme, «la petite», a enfin pu donner corps à ses ambitions les plus secrètes. Depuis quelques jours, Giorgia Meloni, 45 ans, égérie d’une droite radicale populiste, a pris officiellement les rênes du nouveau gouvernement de la Péninsule. Un changement inédit à bien des égards. La cheffe de Fratelli d’Italia (FdI), formation politique sortie nettement victorieuse des élections générales du 25 septembre, est la toute première femme à diriger le palais Chigi. Elle brise, ainsi, le plafond de verre mais aussi un tabou politique: avec elle arrive au sommet du pouvoir exécutif national une droite qui aime à se définir, sans aucun état d’âme, comme souverainiste et «patriote».

Nous ne sommes pas des nostalgiques, mais des conservateurs et des réformistes. Nous voulons réformer pour conserver.

Le 22 octobre, Giorgia Meloni est ainsi «montée» au palais du Quirinal, siège de la présidence de la république, pour assumer ses nouvelles fonctions, avec l’habituelle vigueur qui l’a accompagnée tout au long des dernières trente années de militance et de politique active. «Elle entame ce nouveau parcours, préparée, comme elle l’est toujours, face aux épreuves de la vie. C’est une vraie bosseuse», ont confié ses proches collaborateurs à la presse.

Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, elle a accepté «sans réserve» de former le nouveau gouvernement et, forte de ses «idées très claires», elle a, en quelques heures seulement, présenté au chef de l’Etat, Sergio Mattarella, la liste de ses futurs ministres. «La situation, si difficile, dans laquelle verse l’Italie nous impose le devoir de ne pas tergiverser», a-t-elle déclaré à l’occasion de son premier discours de politique générale au Parlement, le 25 octobre.

Un exécutif composé de 24 ministres, dont six femmes et cinq «techniciens», qui ont prêté serment, le 22 octobre, devant le président de la république et qui, le jour suivant, se sont réunis au palais Chigi pour leur premier Conseil. Restée insensible aux innombrables pressions exercées par ses principaux alliés de la droite, la nouvelle présidente du Conseil a formé un gouvernement qui lui ressemble.

Rassurer à l’international

Les ministères clés ont été confiés à des proches de FdI ou à des personnalités reconnues dans leurs domaines de compétence respectifs et dont elle apprécie le mérite, indépendamment de leurs convictions politiques. Ainsi, à la tête du ministère de la Défense, poste névralgique en raison du conflit sur le front oriental de l’Europe, Giorgia Meloni a voulu placer l’un de ses plus proches collaborateurs, Guido Crosetto, cofondateur de FdI. Il poursuivra – dit-elle – la politique atlantiste et pro-Ukraine menée par le dernier président du Conseil, Mario Draghi. Les mêmes critères ont été suivis pour le choix du ministre des Affaires étrangères: l’ancien président du Parlement européen et actuel coordinateur national de Forza Italia, Antonio Tajani, est devenu le nouveau chef de la diplomatie italienne. Une nomination qui a rassuré Bruxelles. «Il représente la garantie d’une Italie proeuropéenne et atlantiste», s’est réjoui le président du Parti populaire européen, Manfred Weber.

Antonio Tajani, aux Affaires étrangères: une figure marquantes du gouvernement Meloni.
Antonio Tajani, aux Affaires étrangères: une figure marquantes du gouvernement Meloni. © getty images

Ces deux nominations stratégiques ont vocation à atténuer la défiance des partenaires internationaux de la Péninsule après les récentes déclarations inédites du Cavaliere. S’adressant, il y a une semaine, aux membres de son parti, Silvio Berlusconi a voulu partager la joie éprouvée à la suite de la réception d’une «lettre si douce» et de vingt bouteilles de vodka envoyées pour son anniversaire par le président russe, Vladimir Poutine. Il a ensuite fourni une singulière explication sur l’origine du conflit ukrainien: selon le récit fait par le vieux sénateur, Volodymyr Zelensky serait partiellement responsable des hostilités en cours.

Un chemin de croix

«L’Italie, avec nous au gouvernement, ne sera jamais plus le maillon faible de l’Occident, la Nation “spaghetti et mandoline” si chère à nombre de nos détracteurs», a promis Giorgia Meloni sur les réseaux sociaux. Une promesse et un défi rendus encore plus complexes par l’actuelle conjoncture économique nationale. «Cette crise est différente de celles du passé. Au cours des quinze dernières années, l’Italie a dû affronter un risque de nature financière, lié à notre endettement public. Aujourd’hui, c’est aussi l’économie réelle de la Péninsule qui est menacée», a expliqué le nouveau ministre de l’Economie et des Finances, Giancarlo Giorgetti (la Ligue). Pendant sa prestation de serment au palais du Quirinal, le président de la république lui a adressé un sourire qui se voulait réconfortant. L’office parlementaire du budget italien a en effet annoncé que, malgré la reprise de la croissance ayant accompagné la courte aventure gouvernementale de Mario Draghi, l’Italie s’apprête à entrer en récession.

Or, Giorgia Meloni, ainsi que ses deux vice-présidents du Conseil, Antonio Tajani et Matteo Salvini (nommé, aussi, ministre des Infrastructures et de la Mobilité durable), sont parfaitement conscients du chemin de croix qui les attend. Le nouvel exécutif n’a toutefois pas voulu renoncer à ses velléités ultraconservatrices, très clivantes en Italie. Le nouveau président de la Chambre des députés, Lorenzo Fontana (Ligue), est un catholique traditionaliste, connu pour ses positions critiques sur le mariage homosexuel et l’avortement. Une posture partagée par Eugenia Roccella, la nouvelle ministre de la Famille, de la Natalité et de l’Egalité des chances. «Nous ne sommes pas des nostalgiques, mais des conservateurs et des réformistes. Nous voulons réformer pour conserver», a-t-elle déclaré il y a quelques mois.

L’opposition, désunie et dépitée, est déjà aux aguets. «Après avoir pris connaissance de la liste des nouveaux ministres, je le dis avec encore plus de conviction: opposition, opposition, opposition!», a lancé sur Twitter, le secrétaire du Parti démocrate, Enrico Letta.

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