Le retour de l’atome

En perte de vitesse en Europe depuis la catastrophe de Tchernobyl (1986), le secteur nucléaire retrouvera peut-être, demain, ses lettres de noblesse. Rencontre avec Loyola de Palacio, vice-présidente de la Commission européenne et chargée de l’Energie et des Transports.

Le Vif/L’Expresse: Depuis le « Livre vert pour la sécurité d’approvisionnement de l’Europe », vous plaidez en faveur d’un débat objectif et serein autour de l’énergie nucléaire. Mais vous ne faites pas grand mystère de votre a priori positif à son égard…

Loyola de Palacio : Je veux simplement souligner qu’en Europe on a trop longtemps choisi la voie de l’opacité et du silence pour traiter du nucléaire. Les gens ont souvent eu l’impression – moi y comprise – qu' »on » leur cachait quelque chose à ce sujet. Par « on », j’entends: les sociétés de production et les gouvernements. Résultat: l’opinion publique n’a plus entendu que la seule version des écologistes.

A tort?

Le problème ne doit pas être abordé ainsi. Si vous posez la question aux gens s’ils sont « pour ou contre le nucléaire? », la majorité des Européens diront: « Contre. » Mais moi, si je demande aux écologistes et aux gouvernements qui ont décidé un moratoire comment ils comptent atteindre leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre, lorsque les centrales nucléaires seront fermées, je n’entends que le silence. Achèterons-nous notre électricité aux Etats nucléaires de l’ex-Union soviétique? Non, évidemment! Cette option hypocrite n’est pas sérieuse et ne résiste à aucune analyse de fond.

Alors, vive le nucléaire?

Regardons les choses en face: son problème de cette filière, chez nous, n’est pas tant celui de la sûreté des centrales que celui des déchets. Il est vain de nier ce handicap. Mais nous avons des pistes très sérieuses de recherches de haut vol, en Europe, afin de diminuer à la fois la quantité et la nocivité de ces déchets. Au prix d’un réel développement technologique, le problème deviendra contrôlable. A l’inverse, celui du réchauffement climatique, lui, n’est ni contrôlé ni contrôlable à brève échéance: les catastrophes « naturelles » qui y sont probablement liées commencent à faire des victimes par milliers. Je n’exclus pas qu’on puisse renoncer au nucléaire dans cinquante ans mais, aujourd’hui, ce n’est pas réaliste. En outre, le nucléaire a l’avantage de la sécurité d’approvisionnement et de la stabilité des prix.

Ce n’est pas le nucléaire qui va remplacer le pétrole de nos voitures, un secteur qui émet beaucoup de gaz à effet de serre…

Grâce aux développements liés à l’hydrogène, il pourrait y contribuer. Et cela, déjà dans dix ou quinze ans. Je mise aussi sur les biocarburants, dont le bilan total est positif en termes d’émissions de CO2. Pensez aux gigantesques espaces de cultures dont l’Europe dispose déjà, avant même l’élargissement. Mais ce ne sont là, évidemment, que des pistes parmi d’autres pour diminuer notre dépendance. Je m’apprête à faire des propositions pour promouvoir la co-génération ( NDLR: production combinée électricité/chaleur) et pour soutenir, enfin d’une façon sérieuse, l’efficacité énergétique dans les bâtiments et relative aux appareils électriques.

Entretien: Ph.L.

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