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Le kilo de plumes

Le Vif

Et, à la fin, c’est toujours Einstein qui gagne… Le laboratoire spatial européen avait envoyé, durant deux ans, Microscope, un satellite en orbite à 710 kilomètres d’altitude, pour répondre à cette question presque enfantine: un kilogramme de plumes tombe-t-il aussi vite qu’un kilo de plomb? Oui, évidemment – bien que les gosses, eux, se laissent abuser et répondent sans hésiter «mais non, hein!» –, et seulement si aucune autre force que la gravité ne s’y applique. On le sait depuis des lustres, depuis le constat de Galilée, selon lequel tous les corps en chute libre tombent dans le vide à la même vitesse, quelle que soit leur masse ou leur composition chimique. C’est le «principe d’équivalence», qui n’a cessé de surprendre les physiciens. Parce que, tout de même, disent encore les gamins: «Faites le test et laissez tomber une bille de plomb en même temps qu’une boule de plumes.» Et c’est vrai: la première s’écrase tandis que la seconde chute doucement, ralentie par les frottements d’air. Mais si l’on se débarrassait de ces frottements, ce qu’on obtient dans le vide, dans l’espace donc? Les données du satellite Microscope viennent tout juste d’être analysées. Et? Galilée avait raison. Mieux encore, en réitérant des expériences de chute de corps, les chercheurs ont pu le mesurer: la différence d’accélération entre deux corps en chute libre est de 10-15. En langage imagé, utilisé par le chef du projet, une précision grâce à laquelle on pourrait détecter le poids d’«une mouche d’un demi-milligramme sur un supertanker de 500 000 tonnes». Un record! Galilée, lui, avait mesuré une différence de 10-3. Avec une telle précision, les chercheurs donnent même raison à Einstein, qui avait élevé en principe fondateur le postulat de Galilée: un corps qui chute est comme un objet qui accélère. Autrement dit, gravité et accélération sont équivalentes. Bon, ça, c’est pour l’anecdote. Les scientifiques souhaitaient surtout vérifier qu’Einstein et Newton n’avaient pas oublié des forces microscopiques et si celles-ci freineraient ou accéléreraient les masses. Ce n’est pas idiot. On sait déjà que la relativité générale n’explique pas tout. Elle n’explique pas, par exemple, la rotation anormale des galaxies ou l’accélération de l’expansion de l’univers. Pour valider leurs méthodes, les chercheurs ont même injecté des faux signaux d’une force mystérieuse dans leurs données et montré qu’ils pouvaient la repérer. Mais rien, absolument rien. Ils n’ont observé aucune faille dans le principe d’équivalence ni un soupçon d’espoir de dépasser un jour Einstein.

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