Le hockey belge crie aux valeurs

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

Qualification pour les JO de Londres, affiliations en plein essor, vision de développement claire : zoom sur le sport belge le plus en vogue du moment.

Devenir champion de Belgique ou d’Europe, c’est bien, mais cela ne m’intéresse pas, c’est le monde que je vise par le biais notamment d’une médaille aux Jeux olympiques de Rio en 2016 !  » La paternité des ces paroles revient à Marc Coudron. Un rien atypique, en Belgique, pays à la culture sportive limitée et où il est de bon ton de taire ses ambitions.

Le président de l’ARBH (Association royale belge de hockey) n’est ni Néerlandais ni doux rêveur. Cet alerte quadragénaire bruxellois est même du genre cartésien : recordman de sélections en équipe belge (358) et mandataire d’une banque dans le sud de Bruxelles. Marc Coudron est modestement à l’origine de l’évolution positive du premier sport collectif du royaume en termes de résultats internationaux. Les Belges sont en effet qualifiés pour les prochains Jeux olympiques de Londres (27 juillet au 12 août), confirmant ainsi leur participation et leur 9e place à Pékin (2008). Et il n’y pas que ces messieurs (les  » Red Lions « ) qui font parler d’eux : l’équipe féminine (les  » Panthers « ) tentera d’arracher son sésame pour vivre le rêve olympique à l’occasion d’un tournoi de  » rattrapage « , disputé sur le sol belge, au Beerschot, du 14 au 25 mars 2012. Des milliers de fans fièrement tagués noir-jaune-rouge feront, une nouvelle fois, la fête et du bruit.

Le bon comportement des équipes nationales n’est pas le fruit du hasard. Dès son entrée en fonction, en 2005, Marc Coudron a plaidé pour la mise en place d’une structure susceptible de générer des résultats à l’échelle internationale. Et de les pérenniser. Cette politique volontairement  » élitiste  » se révèle gagnante. Elle aurait pu faire grincer les dents au sein des clubs, mais le financement spécifique – avec l’aide du COIB (Comité olympique) – de l’ensemble de nos équipes représentatives a facilité l’entente cordiale. Le succès des uns stimulant l’attractivité des autres…

Les défis qui attendent la grande famille du hockey sont nombreux : encadrement des effectifs en croissance continue, suivi du dossier des infrastructures, régularisation fiscale. C’est que les Australiens, Argentins, Français et autres Néerlandais se bousculent dans les noyaux de DH (Division d’honneur) et que l’administration a fait clairement savoir qu’elle sera bientôt plus  » regardante  » sur les contrats  » amateurs « .

 » Je préférerais voir nos meilleures équipes majoritairement composées de Belges, plaide Marc Coudron. Et je veux en tout cas éviter le phénomène néerlandais où le hockey représente 240 000 affiliés, mais où seuls trois nationaux ont voix au chapitre en équipe première ! Je pense que nous vivons une période transitoire nécessaire avec des étrangers qui sont venus élever notre niveau. Lorsque nous avons constitué notre staff pour encadrer nos équipes nationales, nous nous sommes tournés vers l’extérieur en raison d’un manque de compétences et d’expérience au plus haut niveau. Aujourd’hui, avec Colin Batch et son équipe professionnelle au sein de la fédération, j’ose dire que nous avons le meilleur staff du monde ! Et je vois avec satisfaction que des coaches belges sont désormais actifs en Division d’honneur : Jean-Philippe Brulé au Racing, Mika Van Cutsem au Léopold, Pascal Kina au Watducks, Mick Beunen à Leuven ou Michel Kinnen au Daring. « 

L’essor du hockey est partout palpable dans les soixante-six clubs que compte le royaume. Dernière fédération sportive unitaire, l’ARBH est poussée à s’adapter à la réalité institutionnelle du pays. Non par enthousiasme mais par raison. Car, ce qui apparaissait encore comme tabou voici quelques années, ne l’est plus. Le splitsing est mis à l’agenda. Une commission technique a été créée. Les clubs vont devoir se prononcer.

 » Historiquement, les clubs et moi-même n’avons jamais été pour la scission, rappelle Marc Coudron. Le monde du hockey belge a toujours voulu parler sport et pas politique. Mais nous sommes arrivés à la croisée des chemins pour poursuivre notre développement. En termes d’infrastructures, de leur financement, c’est tout bonnement crucial. Et je pense que la création de deux ailes, flamande et francophone, avec une structure commune au-dessus aux compétences volontairement fortes et bien définies, ne constitue plus une menace mais une opportunité. Il ne s’agit nullement d’une mainmise linguistique sur le sport. « 

La modification des statuts constituera le dernier grand chantier supervisé par le président. Marc Coudron ne briguera pas un troisième mandat de quatre ans. Il n’a jamais que 43 printemps et, pourtant, il a décidé de passer la main.

 » Place à d’autres idées ; je suis persuadé que ce sera pour le meilleur pour mon successeur. On est parti pour vingt belles années, au moins ! Car il n’y a pas que les équipes masculines et féminines seniors qui brillent actuellement. D’autres générations bien formées arrivent. « 

Le hockey parviendra-t-il à rester  » pur « , fier de son noble  » amateurisme  » ? Pourquoi pas ? C’est que l’on ne badine pas avec les valeurs dans le milieu. Et cela participe incontestablement à la popularité grandissante de ce sport. Des  » écureuils  » (5 ans) aux  » Ladies  » (vétérans), on est tenu de respecter les règles élémentaires de politesse. De fair-play. A la fin d’un match, les équipes se saluent et un arbitre a le droit d’exclure… un spectateur pour comportement  » menaçant « . On croit rêver ! Faut-il s’étonner que des parents, sans cesse plus nombreux, désertent les terrains de football pour s’initier aux joies du PC (penalty corner), slapshot (tir frappé) et des self pass (jouer rapidement un coup-franc sans attendre l’aval de l’arbitre ) ?

Comme le tennis et le golf, depuis deux décennies environ, le hockey se  » popularise  » à défaut de se démocratiser. Certes, l’axe historique Bruxelles-Anvers charrie toujours le gros des affiliés par tradition familiale, mais de Courtrai (Saint-Georges) à Wavre (La Raquette), les clubs houses s’ouvrent aux curieux alertés par le bouche à oreille : projets à Arlon, Rixensart, Ittre, Tervuren, Alost…

Phénomène sympathique, les effectifs féminins gonflent de plus en plus.  » Dans les années 1990, la proportion était de une fille pour dix garçons ; nous devons être aujourd’hui à 35 % et la tendance va s’accentuer. L’avenir du hockey appartient aux filles et je m’en félicite… « 

A l’instar de ces jeunes hommes, les meilleures de ces demoiselles seront, dès leurs 14 ans, invitées à rallier – en plus de leurs entraînements en club -, à raison d’une ou deux fois par semaine, le centre  » national  » situé à Boom (fief du Braxgata). C’est cela aussi le secret de la réussite du hockey belge : une cohésion et un esprit de groupe initiés et entretenus dès les catégories d’âge. La petitesse du territoire fait paradoxalement notre force. Les papas et mamans des championnes et champions de demain mesurent ce qu’il en coûte de poursuivre la belle aventure du sport belge le plus  » trendy  » du moment. En plus, shut!, la tradition de la 3e mi-temps reste une des valeures fondamentales du hockey.

ALEXANDRE CHARLIER

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