La RTBF sucre CyberCafé

Après neuf années d’antenne, la télévision de service public supprime son unique émission multimédia. Au grand dam des fidèles qui se sont rapidement mobilisés sur le Net

Avant de partir en vacances, le 15 juillet dernier, j’ai signé et renvoyé à la RTBF le contrat pour la nouvelle saison de CyberCafé. A mon retour, une lettre laconique m’informait que l’émission disparaissait de la grille des programmes. Cinq lignes, formules de politesses comprises, c’est un peu court pour mettre fin à neuf années de collaboration « , s’indigne Brice Le Blévennec, initiateur et présentateur de CyberCafé. Au Boulevard Reyers, on explique que la décision a été prise suite à une plainte déposée par un téléspectateur auprès du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) au sujet d’une séquence de février 2004 dans laquelle un logo Apple (incrusté sur un ordinateur portable) apparaît trop souvent à l’écran. A la décharge de CyberCafé, il faut préciser que le reportage incriminé présentait un logiciel qui ne tournait que sur Mac. Il était donc difficile pour le journaliste d’utiliser une autre marque d’ordinateur.

 » Toutes nos émissions sont soumises à un certain nombre de règles que CyberCafé n’a pas toujours respectées, explique Bruno Deblander, porte-parole de la RTBF. Pour comprendre notre décision, il faut en refaire l’historique. Une première plainte à l’encontre de CyberCafé avait été déposée auprès du CSA en novembre 2003. Ce grief, pour lequel la RTBF a été condamnée, portait déjà sur la trop grande présence des ordinateurs Apple à l’antenne. Trois mois plus tard arrive la seconde plainte. Nous avons alors décidé de mettre en place des modalités de contrôle et une grille d’analyse plus stricte afin de valider chaque séquence avant sa diffusion. Ces contrôles nous ont permis de découvrir d’autres sources possibles de récriminations. Malgré plusieurs remarques de notre part, les choses ne se sont pas arrangées. L’administrateur général a donc décidé de suspendre l’émission.  »

Un appel à projet

Hormis les deux plaintes, Brice Le Blévennec n’a pas souvenance des différentes mises en garde de la RTBF et rappelle que pour la première plainte, compte tenu des mesures prises par la RTBF pour que les logos n’apparaissent plus à l’écran, le CSA a estimé ne devoir prononcer qu’un avertissement à la RTBF (le traitement de la seconde plainte est toujours en cours). Plus bizarre encore est l’anachronisme de ces plaintes.

En 1996, lors des premières émissions, CyberCafé fonctionnait avec des bouts de ficelle et, donc, avec le matériel personnel de ses présentateurs. Brice Le Blévennec étant un utilisateur de Mac, il n’y avait souvent que cette marque de machine présente sur le plateau. Lors de certaines émissions, l’encensement des produits Apple était même patent. Même si prendre parti pour MAC ou PC faisait partie du folklore informatique de l’époque, on aurait pu comprendre l’introduction d’une plainte auprès du CSA durant cette période. Mais, depuis, les choses avaient bien évolué. Il n’existait plus de déséquilibre entre les différentes marques de produits présentés. Sans compter qu’avant de tester du matériel informatique, CyberCafé était surtout une émission axée sur l’impact sociétal des nouvelles technologies. Devenue méritoirement culte avec le temps, l’émission avait le mérite d’évoquer des sujets peu vendeurs, mais sacrément importants. Ainsi, à côté de la présentation de jeux û  » qui n’a jamais dépassé plus de 30 % du temps total d’une émission « , précise Le Blévennec û, CyberCafé a tenté d’expliquer avec succès le droit des technologies, les risques liés au vote électronique ou l’appropriation du Net par les artistes… En n’oubliant pas d’égratigner au passage de nombreuses idées reçues et les projets venteux des grands noms du secteur. Dès lors, même si la formule de la dernière saison paraissait moins convaincante que celle de l’époque de Télé 21, on comprend mal la décision de la RTBF. Celle-ci va d’ailleurs lancer un appel à projet pour tenter de combler le trou provoqué par la disparition de l’émission. On peut parier que l’équipe de CyberCafé profitera de cette occasion pour entrer une proposition qui, n’en doutons pas, sera analysée avec impartialité. En attendant, il n’y a plus d’actualités multimédias dignes de ce nom sur les antennes du service public.

Vincent Genot

Information : www.cybercafe.tv

Vincent Genot

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire