Journaliste, conseillère et compagne

Un nouveau personnage apparaît dans la campagne : Valérie Trierweiler, l’amie du candidat. Chacun cherche ses marques : elle, comme l’entourage politique du socialiste.

Valérie Trierweiler s’habitue tant bien que mal à la lumière. Il ne se passe plus une semaine sans qu’elle participe à un déplacement de François Hollande : à Varsovie, le 9 mars, elle se recueille devant le mémorial du ghetto juif, derrière son compagnon. A Dijon comme à Lyon, à Toulouse ou à Pointe-à-Pitre, on repère sa silhouette frêle, sa coupe soignée et son air distant, dans le sillage du candidat.  » On me dit froide, c’est plutôt une forme de réserve dans mon cas, déclare-t-elle dans Gala. Je n’ai pas de désir de me mettre en avant.  » En voyant sa photo en Une de Paris Match, la journaliste a piqué une colère contre le choc des images et invoqué  » le sexisme  » de son propre journal, parce qu’elle avait l’impression d’y apparaître comme une potiche.

Quand Hollande s’est lancé dans la primaire, à l’occasion d’un meeting à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine, à l’ouest de Paris), en avril 2011, Valérie Trierweiler est d’abord venue le soutenir comme une simple militante, en s’asseyant au fond de la salle. Le 22 octobre, jour de l’investiture du socialiste, elle se décide à assumer son rôle. La voilà, devant l’estrade, flanquée des parlementaires Stéphane Le Foll et Pierre Moscovici. Le premier rang, parmi les chefs à plume du PS, ce sera désormais sa place. Et, certains soirs, son chemin de croix. A Mérignac, le 4 janvier, les photographes l’assaillent. Mal à l’aise, elle se lève, puis s’éclipse.  » Elle est prise de vertige à l’idée de devenir un jour la première dame, raconte un ami de Hollande. Sa mère était caissière dans une patinoire. Valérie a fêté ses 47 ans et a trois enfants, dont deux qui passent le bac cette année. Jamais elle n’aurait imaginé se retrouver dans cette situation-là. « 

On la craint, on la chouchoute, ou alors les deux

Dans la foulée, François Hollande se rend dans sa ville de Tulle, pour une sorte de tournée d’adieux à la Corrèze. Cette fois, elle défie les caméras, plantant son regard fixe dans les objectifs. Le métier entre. Si son compagnon est élu, elle hésite entre une posture à la Bernadette Chirac ou à la Danielle Mitterrand, entre  » le dévouement et l’engagement « , ainsi qu’elle l’a expliqué dans Elle. Déjà, on l’a vue participer à une action caritative contre le sida en Afrique ou à une collecte de fonds au profit de l’association Action contre la faim. A l’inverse, il lui arrive de descendre dans l’arène politique. En octobre dernier, elle salue sur Twitter le ralliement  » sincère, désintéressé et sans ambiguïté  » de Ségolène Royal lorsque cette dernière appelle à voter pour François Hollande après le premier tour de la primaire. Récemment, elle rétorque au président, qui l’attaque sur ses liens avec le groupe Bolloré, propriétaire de la chaîne Direct 8 où elle anime des émissions depuis cinq ans :  » Nicolas Sarkozy ne sait pas ce que c’est que le journalisme indépendant. « 

Ses coups de gueule ou ses coups de chapeau sur le réseau social en laissent pantois plus d’un.  » Twittera-t-elle à tort et à travers, une fois devenue première dame ?  » s’interroge un dirigeant du PS. Personne n’ose lui demander de veiller au poids des mots. Valérie Trierweiler a un statut à part. On la tient informée des décisions, on lui soumet les photos la concernant dans le clip de campagne. On la craint ou on la chouchoute, ou alors les deux. Au troisième étage du QG, elle dispose d’un bureau. Mais les mauvaises langues ont commencé à moquer son côté  » Cécilia de gauche « , qui bannissait et promouvait les conseillers. Du coup, le panneau qui indiquait le nom de Valérie Trierweiler à l’entrée du bureau 306 a été discrètement retiré.

Son influence se veut plus subtile. Elle passe peu au QG, mais rencontre des associations féministes, avec la responsable du sujet dans l’équipe de campagne de François Hollande, Marie-Arlette Carlotti. Animatrice d’une émission culturelle, elle met son carnet d’adresses au service de son amoureux. Elle a participé au lancement du comité, animé par Pierre Bergé et la communicante Nathalie Mercier, pour mobiliser des artistes. Elle s’est aussi montrée active dans la préparation de la soirée réunissant les personnalités de la culture, le 18 mars, à Paris.

 » Sylviane Agacinski, l’épouse de Lionel Jospin, qui a vécu une campagne de l’intérieur, m’a dit qu’elle regrettait de ne pas avoir été davantage présente à l’époque « , raconte la journaliste dans Elle. Leçon retenue. L’annonce de la candidature, il y a un an, en Corrèze, elle l’a travaillée avec son compagnon. Le soir du premier tour de la primaire, dans leur appartement du XVe arrondissement de Paris, elle bouscule son champion, peu enthousiaste quant à son score du premier tour, rapporte Constance Vergara dans Valérie, Carla, Cécilia, Bernadette et les autres (Tallandier).  » N’interviens pas trop tard, tu donnerais l’impression d’être déçu et d’hésiter « , lui glisse-t-elle.  » Elle m’a apporté le soutien, les conseils et surtout le bonheur personnel qui est indispensable pour mener une telle bataille « , salue Hollande dans Changer de destin (Laffont). Sur son portable,  » Mon amour  » s’inscrit quand elle l’appelleà

Chaque jour, six ou sept demandes d’interview

Protectrice, Valérie Trierweiler peste dès que le candidat s’attarde une dizaine de minutes, à Toulouse ou à Jarnac, avec les journalistes, métier dont elle connaît bien, et pour cause, les ficelles. Les off du candidat sont rares en sa présence. C’est elle qui a ouvert la voie à Laurent Binet, le jeune Prix Goncourt des lycéens, pour qu’il dispose d’un accès libre aux coulisses de la campagne. Elle avait adoré son livre HHhH et l’a fait lire à Hollande. Elle a aussi pesé pour que le photographe autorisé à couvrir les réunions secrètes soit un reporter avec qui elle avait cosigné un ouvrage sur les coulisses de l’aventure avortée de Lionel Jospin en 2002. Une exclusivité soumise à un droit de regard sur les clichés.

Elle se sait observée de près. Chaque jour, six ou sept demandes d’interview (le Vogue américain, Sunday Telegraphà) atterrissent sur le bureau de son attachée de presse. Laquelle jure qu’elle n’est guidée par aucun plan de communication. Ce n’est toutefois pas un hasard si Valérie Trierweiler ne s’est exprimée qu’à deux moments clés : au lendemain de la désignation de Hollande pour la primaire et lors du lancement de sa nouvelle émission de télévision, où elle a demandé aux journalistes de lui faire relire ses citations.

Le microcosme socialiste se demande de plus en plus comment éviter l’interférence des sphères privée et publique si Hollande entre à l’Elysée. Entre une première dame associée à toutes les cérémonies et une Ségolène Royal qui brigue le troisième poste de l’Etat (la présidence de l’Assemblée nationale), un casse-tête se profile pour les services du protocole. Pour l’heure, on évite de parler de la présidente de la région Poitou-Charentes en présence de Valérie Trierweiler. La direction de la campagne veille également à ce qu’elles ne se croisent pas pendant les meetings.  » Je suis la femme du politique, elle est la femme politique, il n’y a aucune concurrence entre nous « , martèle la compagne de Hollande. Récemment, elle a dévoilé qu’elle n’avait pas voté Royal en 2007. A des journalistes qui lui demandaient si son compagnon était féministe, elle a osé une réponse pleine d’audace – à défaut d’être très conforme à la réalité :  » Il est féministe. La preuve : il a laissé sa place à Ségolène Royal en 2007. « 

M. W.

 » Elle est prise de vertige à l’idée de devenir un jour la première dame « 

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