Jackpot

Catherine Pleeck

Même si ses conditions de fabrication restent largement critiquables, la mode bon marché continue d’afficher des résultats insolents. La fortune du patron de Zara rivalise désormais avec celle de Bill Gates…

Cela n’aura duré que quelques minutes, ce vendredi 23 octobre. Conséquence de fluctuations boursières, le fondateur d’Inditex, maison mère de Zara, a été plus riche que celui de Microsoft. Le discret Espagnol Amancio Ortega, qui avait été sacré numéro deux mondial cet été, a devancé l’Américain Bill Gates pour la première fois, selon le classement Forbes en temps réel des plus grosses fortunes planétaires. La sienne s’est hissée à 79,9 milliards de dollars, avant de baisser depuis à 75 milliards, derrière les 79,5 milliards de Bill Gates.

Un sacre de courte durée, certes, mais qui témoigne de la réussite d’Amancio Ortega, à la tête d’un groupe né en 1975, devenu leader du prêt-à-porter mondial. Si le succès ne se dément pas, c’est surtout grâce à la pertinence du modèle économique de l’entreprise, qui compte plusieurs enseignes, telles Zara, Massimo Dutti, Pull&Bear, Bershka ou Stradivarius. Un business plan qui peut se résumer aisément en quelques mots : portefeuille diversifié de marques, internationalisation, maîtrise des coûts, renouvellement régulier des collections pour stimuler le retour plus rapide des clients en boutique, processus de fabrication en quelques semaines seulement, en majorité en Europe et au Maroc, sans oublier un suivi régulier des dernières tendances, traduites dans des vêtements vendus à prix bas.

Résultat, Inditex compte désormais plus de 6 000 magasins et 137 000 salariés de par le monde, dont 10 000 postes créés entre juillet 2014 et juillet 2015. En Bourse, où le groupe est coté depuis 2001, ses actions ont bondi de plus de 58 % en un an, dopant ainsi la fortune d’Amancio Ortega, qui détient encore 59,3 % de son entreprise.

Du côté de H&M, autre géant du secteur, la croissance est également au rendez-vous (+ 21 % des ventes, entre le 1er décembre 2014 et le 31 août 2015), même si sa valorisation boursière est nettement moindre que celle de son concurrent espagnol. Et que dire de l’acteur irlandais Primark, dont l’ouverture de chaque nouveau magasin provoque des files à n’en plus finir – comme à Bruxelles, fin 2014 – et qui prévoyait une augmentation de ses ventes mondiales de 13 % pour l’année écoulée ?

Mais les résultats faramineux de la fast fashion vont également et malheureusement de pair avec une surconsommation et des conditions de travail loin d’être au top niveau. Quand on sait que Zara propose 18 000 nouveautés par an ou que le principe même de Primark est d’offrir des articles à prix cassés pour inciter les clients à les renouveler régulièrement, on comprend mieux les conclusions d’une étude menée en France, qui estime que les femmes ne porteraient au total que 10 % de leur garde-robe. Les effets de cette consommation à outrance sur l’environnement sont bien évidemment dévastateurs ; pas moins de 29 000 litres d’eau sont par exemple nécessaires pour obtenir un kilo de coton…

 » Retour à l’expéditeur : défaut de fabrication  »

En matière de conditions de production, quelques améliorations sont à mentionner. Ainsi, Greenpeace a donné, en mars dernier, des bons points à une série d’entreprises, qui ont commencé à éliminer les produits chimiques les plus utilisés de leur processus de fabrication. Autre fait positif : plus de 200 enseignes et marques s’approvisionnant au Bangladesh ont signé l’Accord sur la sécurité des bâtiments dans ce pays, suite aux accidents qui ont frappé plusieurs usines, en 2012 et 2013.

Malheureusement, tous les acteurs du secteur n’ont pas adopté une démarche aussi louable. En outre, les avancées sont loin d’être aussi évidentes en ce qui concerne le salaire. En octobre, la plate-forme belge de sensibilisation achACT et son réseau international, la Clean Clothes Campaign, ont donc remis une pétition, signée par 149 251 citoyens, à des représentants de la Commission européenne, à huit enseignes de mode internationales et cinq entreprises belges. Un document présenté dans un colis  » retour à l’expéditeur pour défaut de fabrication « , signifiant que les consommateurs ne veulent pas de vêtements conçus avec un défaut de salaire vital.

Un mois plus tard, ce sont des milliers de travailleurs et de travailleuses de l’habillement, au Cambodge, qui ont participé à une grève du zèle. Ceux-ci revendiquent un salaire minimum de 177 dollars (soit 164 euros), en guise de préalable immédiat, avant la négociation d’un salaire vital décent. Une action qui visait à interpeller les principaux clients de l’industrie dans ce pays, dont H&M, C&A, Levi Strauss ou… Zara.

Catherine Pleeck

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