Historique!

Peter Vandermeersch

H

L’attitude la plus insensée que puissent adopter les francophones face à cet état de fait est d’ignorer la victoire de la N-VA. Car cette victoire ne tient pas du hasard. Il est vrai qu’elle a été obtenue en partie grâce à la personnalité de De Wever. C’est un homme politique habile qui dépasse de la tête et des épaules tous ses adversaires politiques dans les débats à la télévision flamande. Il parle un langage limpide. Certes, ses propositions ne sont pas toujours nuancées. Que la N-VA ne présente pas de vraie solution pour Bruxelles fut à peine perceptible durant la campagne. Mais De Wever est porté par un puissant courant en Flandre. Une grande partie des électeurs flamands (et pas seulement ceux qui ont plébiscité De Wever et les siens) se sentent très mal à l’aise dans le ménage belge. Ils réclament une profonde réforme de l’Etat. Et très vite. Les trois longues années au cours desquelles les francophones n’ont cessé de proclamer à Leterme et Cie qu’  » ils n’étaient demandeurs de rien  » n’ont fait que renforcer ce sentiment. Continuer à jouer les  » Madame Non  » conduirait tout droit à la fin de la Belgique. Le pays finirait par exploser. Jean-Luc Dehaene a écrit expressément dans sa lettre d’adieu à propos de BHV que la majorité dans ce pays (les Flamands) ne peut pas imposer sa volonté à la minorité. Mais aussi que la minorité (les francophones) doit être disposée à négocier. Or la Flandre de De Wever ne dictera pas unilatéralement sa loi. Et elle attend que la Belgique francophone de Di Rupo se montre prête à négocier.

Tout compte fait, les électeurs se sont exprimés très clairement. Au Nord, Bart De Wever a gagné haut la main les élections. Au Sud, il y a un vainqueur tout aussi indiscutable, Elio Di Rupo. Le sort de la Belgique leur appartient. Ensemble, ils sont aptes à sauver le pays en le réformant. Si Di Rupo devient Premier ministre, il pourra en tout cas compter sur le soutien de la Flandre. Le discours très réconciliant qu’il a prononcé après le succès électoral de son parti a été très bien accueilli au Nord.

Il reste à prouver à Bart De Wever qu’il peut conclure des compromis. Il en est capable. De Wever n’est pas le Vlaams Belang. Il ne cherche pas à gagner des voix pour les laisser en rade. Il sait qu’il peut se servir de son assise électorale pour entamer un pas décisif sur la voie de la réforme de la Belgique. Il est conscient qu’il devra faire des concessions aux francophones pour atteindre cet objectif. Et que, peut-être, il devra  » trahir « , d’une manière ou d’une autre, la cause flamande.

De Wever qui veut réformer le pays et Di Rupo qui veut le sauver : à première vue, un couple bien étrange. Di Rupo, fils d’un immigré pauvre, probable Premier ministre francophone depuis Leburton. De Wever, un historien grandi dans un milieu nationaliste flamand, qui aura joué un rôle important dans le renouveau de la Belgique. Si ces deux-là arrivent à s’entendre, notre pays sortira tout doucement du marasme institutionnel dans lequel il est en train de s’enfoncer. S’ils ne s’entendent pas, le chaos nous attend.

PETER VANDERMEERSCH, Rédacteur en chef général du Standaard

TOUTES LES CHRONIQUES  » Vu de Flandre  » SUR WWW.LEVIF.BE

PETER VANDERMEERSCH

Continuer à jouer les  » Madame Non  » conduirait tout droit à la fin de la Belgique

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire