HER
Entre réel et virtuel, Spike Jonze signe un film d’amour aussi beau que bouleversant et significatif.
SF/ROMANCE DE SPIKE JONZE. AVEC JOAQUIN PHOENIX, SCARLETT JOHANSSON, AMY ADAMS. 2 H 06.
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Un futur où l’on publie encore parfois des livres (des vrais, avec de l’encre et du papier !) ne saurait être totalement mauvais. C’est celui où vit Theodore Twombly, joué par Joaquin Phoenix dans le nouveau film de Spike Jonze. Lequel a, pour la toute première fois, écrit entièrement lui-même le scénario d’un de ses films. Le réalisateur des passionnants Being John Malkovich, Adaptation et Where The Wild Things Are (Max et les maximonstres) a choisi la lumineuse simplicité d’une histoire d’amour. Un amour pas vraiment comme les autres, évidemment, sinon nous ne serions pas chez Jonze, un des plus singuliers cinéastes de sa génération… Theodore Twombly va en effet y vivre une idylle avec… un O.S., un système opérationnel qu’une société high-tech vient de mettre sur le marché pour proposer aux coeurs solitaires un ou une compagne virtuel(le) doté(e) d’intelligence et de sensibilité. Son prénom sera Samantha, sa voix sublime – celle de Scarlett Johansson – et ses mots toujours justes auront vite trouvé le chemin du coeur de celui qui se remet mal d’une rupture, bien réelle celle-là. Et du rapport intime de Theodore et Samantha, laquelle n’a d’existence que dans la tête de son ami et bientôt amant, naîtra une relation intellectuelle mais aussi bientôt colorée de sexualité.
Nous ne sommes certes pas dans Shame de Steve McQueen, dont Her pourrait être la version light et respirable, ludique et utopique, romantique même. Le sensuel chez Jonze relève du gai savoir, du désir de l’autre et du plaisir partagé, choses évidemment rendues complexes par la différence de nature entre un partenaire vivant et un autre fruit d’une technologie stupéfiante, révolutionnaire. L’intelligence artificielle est là, les solutions qu’elle offre sont potentiellement immenses. Restent la solitude, le malentendu, la complexité d’une relation, fût-elle fusionnelle à l’extrême comme peut l’être celle de Theodore et Samantha…
Futur proche
Spike Jonze soigne sa version du futur avec une sobre élégance, travaillant une palette volontiers pastel et globalement claire, aux antipodes d’un futurisme » noir » à la Blade Runner. Il trouve en Joaquin Phoenix un interprète idéal, existant sous nos yeux de manière si crédible qu’on en oublie qu’il joue, et que là aussi l’artifice est à l’oeuvre. L’acteur toujours passionnant a su moduler une intensité d’expression qu’il a souvent fiévreuse, pour incarner un personnage parmi les plus discrètement touchants du cinéma contemporain. Et ce dans un film où l’émotion s’accompagne tout aussi délicatement de questionnements majeurs sur un futur tellement proche déjà.
LOUIS DANVERS
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