Haro sur Léopold II

Un documentaire britannique revient sur les exactions commises au Congo. Le roi des Belges y est comparé à Hitler

Villages incendiés, femmes violées, mains coupées, têtes ou organes génitaux tranchés… Le Roi blanc, le caoutchouc rouge, la mort noire est un documentaire choc que La Deux (RTBF) diffuse le jeudi 8 avril à 20 h 30. Son auteur, le Britannique Peter Bate, tire à boulets rouges sur Léo- pold II, qui aurait été  » jusqu’à l’arrivée d’Adolf Hitler, l’un des personnages les plus cruels d’Europe « .

Il est admis que dans les années 1880 et 1890, pour faire face à l’industrie automobile naissante, l’exploitation du caoutchouc au Congo, alors propriété personnelle du roi des Belges, a développé le travail forcé. Mais Bate donne la parole à Elikia M’Bokolo, professeur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, qui évoque 10 millions de morts. Egalement interviewée, Maria Misra, historienne à l’Université d’Oxford (Grande-Bretagne), estime que les exactions auraient pu être qualifiées de génocide si les Congolais avaient eu la force de pression d’autres peuples.

En 1998, le journaliste américain Adam Hochschild avait déjà soutenu cette thèse dans Les Fantômes du roi Léopold (Belfond). Mais le spécialiste de la question, l’historien de l’ULB, Jean Stengers, avait à l’époque réfuté l’accusation d’holocauste et de génocide. Aujourd’hui décédé, il avait pourtant contribué à dénoncer les crimes du Congo.  » Si on peut parler d’avidité à l’enrichissement, il n’y a jamais eu, chez Léopold II, de volonté génocidaire « , explique Bernard Balteau, responsable des émissions historiques sur La Deux.

Mais pourquoi, alors, diffuser une  » instruction  » essentiellement à charge, qualifiée de scandaleuse par le Palais ? Bate sous-entend que la famille royale actuelle profite de l’argent du caoutchouc.  » Nous avons voulu réagir, plutôt que d’être accusés de censure, poursuit Balteau. Il ne peut être question de gommer des atrocités. Mais le débat qui suivra le documentaire rappellera que le Congo reste un enjeu stratégique pour les superpuissances. Le Roi blanc ne contribue-t-il pas à la volonté de certains de déstabiliser les Belges ? Enfin, il ne faut pas nier qu’il y a eu, chez nous, après la Première Guerre, une forme de négationnisme à ce propos.  » La Belgique prêterait-elle autant le flanc à la critique si elle avait revu son portrait de  » Léopold II, grand roi bâtisseur et philanthrope  » ?

Dorothée Klein

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