Deux drôles de zozos

La crise exacerbe-t-elle l’humour ? Les citoyens Jean-Luc Fonck et Jean-Baptiste de Clerfayt livrent deux écrits toniques, presque aussi déjantés que le pays…

La bio de Jean-Baptiste de Clerfayt, aussi farfelue que ses phrases, ne révèle que des bobards : non, le garçon n’est pas cet  » aristocrate vaguement autiste, inventeur au XVIe siècle d’une recette de tarte aux pommes particulièrement immangeable, et jamais aperçu en public, sauf le samedi 17 juin 1967 vers midi, où des témoins l’ont vu à la piscine municipale de Guéret, dans le Limousin « . En vérité, c’est un vieux chenapan montois de 30 ans, dont le petit livre surréaliste fera rire aux larmes, ou pleurer d’ennui, selon que vous serez réceptif ou non à l’humour au 45e degré. Aussi n’espérez pas trouver, dans ce Guide pratique des situations pas pratiques, la moindre aide efficace aux soucis quotidiens. Les problèmes soulevés, qui rappellent les gags radiophoniques du Dr G(eluck), sont tellement absurdes, et leurs réponses à ce point décalées, que l’ensemble se déguste en désordre et en toutes circonstances, sauf peut-être à un enterrement, par danger d’hilarité non contrôlée. Le contenu ? Impossible à résumer, évidemment.  » Comment savoir si la cocaïne que l’on souhaite acheter est issue de l’agriculture biologique  » entraîne l' » explication  » suivante :  » Hélas, mon chat Pamprenelle est justement en train de construire un tunnel dans mon appartement pour accéder plus facilement à sa litière. J’ai bien peur que notre conversation risque d’être coupée. Est-ce que je peux vous rappeler jeudi ? J’ai demandé à Pamprenelle quand il comptait finir ses travaux, mais, avec son casque antibruit sur les oreilles, je crains qu’il ne m’ait pas bien entendu.  » On vous laisse imaginer ce que l’olibrius suggère comme solution à  » Comment être heureux en amour quand on est sexuellement attiré par les meubles Ikea  » ou  » Comment, lorsqu’on adapte en araméen le Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein, rendre dans la traduction toutes les subtilités des blagues grivoises du texte original « …

Cinq contes farfelus

Le deuxième fêlé a déjà un long CV d’amuseur public :  » Je ne sais pas chanter, explique Jean-Luc Fonck, en couverture de ses Histoires allumées. Avant que les gens s’en rendent compte, je vais me recycler dans un autre truc que je ne sais pas faire : écrire.  » Voilà qui est juste. Notre ami rédige un peu comme il parle :  » Vous voyez ? « , avec ses tics, donc, ses grossièretés langagières et ses fautes de français lourdaudes qui font quand même mal à la plume (des  » malgré que « , des  » autant pour moi « , des points d’exclamation à la pelle). Si l’on s’accommode du mauvais suspense et de dialogues banals à périr, ces cinq contes farfelus (un radiateur qui parle, une clé qui respire, un oiseau qui tousse des perles…) collent bien à l’esprit Fonck, et paraissent même çà et là poétiques et originaux, notamment par leurs rebondissements sans fin, comme quand des histoires inventées racontées aux enfants nous entraînent Dieu sait où. A moins que ce ne soit directement vers le minibar. A ce propos, il est permis d’interroger l’auteur : l’aventure du type qui met le feu à son nez pour vérifier s’il n’a pas la gueule de bois n’est-elle pas (entre nous, ça va de soi) un rien autobiographique ?

Guide pratique des situations pas pratiques, par Jean-Baptiste de Clerfayt, Chiflet et Cie, 128 p.

Histoires allumées, par Jean-Luc Fonck, Luc Pire, 206 p.

VALÉRIE COLIN

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