Des puces plein les briques

Coincée entre le four à micro-ondes autonome et le système d’éclairages automatisé, la domotique cherche encore son chemin dans nos habitations. Le palais 9 du prochain salon Batibouw sera dédié à cette technologie supposée faciliter notre quotidien

Inutile de farfouiller dans le fond de vos poches pour dénicher vos clés. Pressez l’index sur un capteur situé sur le chambranle de la porte et jetez un bref regard vers l’oeilleton de la caméra de surveillance: la résidence du futur ouvre ses portes. Après vérification de l’empreinte digitale et identification de l’iris, la maison reconnaît son propriétaire. Avant que celui-ci ait eu le temps d’en franchir le seuil, la demeure a déjà réglé son éclairage, modifié sa température et diffusé, en sourdine, un fond musical dont elle sait son occupant friand. Bienvenue dans la maison de demain, celle que personne n’habitera sans doute jamais. Du moins pas dans la forme imaginée par les écrivains des romans d’anticipation. Même si elle peut se le permettre, la domotique ne consiste pas à commander par téléphone au percolateur une petite jatte de café dans le quart d’heure qui précède votre retour à la maison. Loin de cette image fantaisiste, la domotique se veut une technologie de pointe qui évolue en permanence et que tout le monde utilise sans en avoir vraiment conscience.

Voilà probablement le message que tenteront de faire passer aux visiteurs les sociétés spécialisées dans le domaine à l’occasion du 44e salon Batibouw qui se tient à Bruxelles jusqu’au 2 mars. Dans leur grande majorité, ces firmes, regroupées dans le palais 9 du Heysel, ne présenteront pas de grands projets spectaculaires. Et pour cause: actuellement la domotique concerne principalement la sécurité, l’économie d’énergie et la communication, des secteurs certes pratiques mais plutôt discrets. Dans les allées du salon, on découvrira dès lors des systèmes de régulation de chauffage, des modules d’éclairages automatisés ou des alarmes actives. Pas encore de frigos intelligents ou de cyber-cafetières . Quoique! Pour LG Electronics, le salon sera l’occasion de vendre son  » kit électroménager « : un frigo, un micro-ondes, une machine à laver et l’air conditionné directement connectés au Net et télécommandables à distance. Soit quelque 15 000 euros d’investissement pour programmer du bureau ou de la voiture, la lessive ou la cuisson du repas.

Réservée à des clients fortunés, cette domotique attire pourtant les foules. « Depuis trois ou quatre ans, explique Frédéric François, porte-parole de Batibouw, on constate une forte augmentation du nombre d’exposants spécialisés en domotique et en immotique (bâtiment intelligent). Cet engouement récent est surtout dû à l’apparition des technologies sans fil qui ne nécessitent plus de lourds travaux de câblage. Du coup, la domotique peut être implantée à moindres frais lors de la rénovation d’un bâtiment et plus seulement lors de la construction de celui-ci. Un facteur technologique qui permet aux fabricants de toucher un plus large public qu’il y a cinq ans. »

Reste que pour rêver et imaginer ce que nous réserve la maison du futur, il faut visiter des « habitations tests » comme le HomeLab inauguré à Eindhoven (Pays-Bas) en janvier 2002. Conçue par la société Philips, cette demeure, bardée d’électronique, permet aux chercheurs de la firme de valider, ou non, les technologies mises au point dans le cadre du concept AmbientIntelligence. Afin de tester l’utilité et la pertinence des prototypes, des familles y viventcloîtrées durant un ou plusieurs jours. Par caméras et écrans interposés, les ingénieurs peuvent ainsi observer les réactions des cobayes face aux technologies implantées dans la demeure. La plus spectaculaire, baptisée  » Phenom  » (Perceptive Home Environment), se compose d’un écran tactile portable connecté par une liaison sans fil aux nombreux éléments de chaque pièce. Capable d’identifier un utilisateur grâce à son badge, la tablette lui propose de visionner ses programmes télévisés et ses films préférés ainsi que les sites Web sur lesquels il se connecte souvent. L’image n’est pas projetée sur la seule tablette, mais sur l’ensemble des écrans disséminés un peu partout dans l’habitation. Ce n’est donc plus le spectateur qui suit un programme, mais bien le programme qui le poursuit partout dans la maison. Plus sympathique, le miroir de la salle de bains se voit doter d’une caméra qui reconnaît les habitants. En fonction de la personne, une partie (ou plusieurs) du miroir fait office d’écran sur lequel s’affichent des informations personnalisées. Pour les enfants, il est, par exemple, possible d’afficher un petit personnage dont les mouvements sont synchronisés avec ceux de la brosse à dents. Le pied! Plus besoin de jouer au garde-chiourme lors des séances de soins dentaires.

A défaut du HomeLab, réservé aux seuls cobayes, l’accro des technos pourra toujours se rendre à Vilvorde. C’est, en effet, dans la périphérie bruxelloise que la demeure de Living Tomorrow (ASBL) a établi ses fondations. Sorte de vitrine grandeur nature de la domotique, les maisons de Living Tomorrow présentent au grand public ce qui se fait de mieux en la matière. Inauguré par Bill Gates en 1995, un premier logis du futur a déjà refermé ses portes. « Chaque maison, explique Wim Dejonghe, responsable de la communication à Living Tomorrow, présente les technologies émergentes. Ainsi, la première maison faisait la part belle à la présence des ordinateurs dans notre quotidien. Rattrapée par la réalité, elle a, aujourd’hui mis la clé sous le paillasson. Outre l’économie d’énergie et l’intégration poussée de la domotique  » domestique « , la maison actuelle – accessible au public jusqu’en 2005- tente de mettre en valeur les avantages de la reconnaissance vocale. » Cette technique de pointe (pas encore totalement maîtrisée) n’empêche pas la mise en pratique de technologies plus conventionnelles. Ainsi, on peut contempler la  » double-peau » de verre qui entoure la façade du salon. Sur le principe du double vitrage, l’air circulant entre les deux façades de verre assure à la pièce une température très stable durant toute l’année. En été, des ventaux mobiles permettent de faire circuler la fraîcheur provenant du bassin d’eau adjacent à la salle de séjour. De même, la toiture est partiellement recouverte de tuiles en verre garnies de cellules photovoltaïques. Outre le gain de lumière évident, l’apport de l’énergie solaire permet de réduire de 25 % la consommation énergétique de la maison.

Encore en construction à Amsterdam (Pays-Bas), la troisième maison du projet Living Tomorrow verra la domotique passive s’estomper au profit de la domotique active. Il ne faudra plus donner d’ordres à la maison par l’intermédiaire de consoles réparties dans la demeure. Celle-ci se chargera de reconnaître le visiteur, d’analyser son comportement et tentera de s’accorder à ses préférences. Difficile de savoir si le projet aboutira à un concept viable au quotidien. Déjà, dans la maison de Vilvorde, on n’ose pas s’asseoir dans un fauteuil sans craindre que celui-ci ne se dérobe. Si, en plus, la maison se met à réfléchir, c’est tout l’imaginaire du cinéaste français Jacques Tati qui déboule. Et l’on revoit en accéléré la maison du film Mon oncle dans laquelle, à force d’automatisations, le corps humain ne trouve plus sa place. Burlesque en diable, mais pas facile à vivre!

Myriam Baele et Vincent Genot, Living Tomorrow:

www.livtom.be

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