Des glandeurs, nos jeunes ?

Beaucoup d’élèves du secondaire sont en congé dès la mi-juin…. L’école se termine-t-elle toujours plus tôt ? Des parents le pensent. Certains, comme la Ligue des familles, demandent la réouverture du débat sur les rythmes scolaires, voire la réduction des vacances d’été

Alexandre (4e rénovée) râle. Son meilleur copain, fréquentant une école voisine, a terminé, comme beaucoup d’autres, ses examens dès ce vendredi 18 juin, alors que, pour lui, les vacances ne commenceront que le lundi 21. Heureusement, Alexandre ne connaît pas Clarisse (3e rénovée) qui, elle, glande depuis le mardi 15 juin.  » Les jeunes sont livrés trop tôt à eux-mêmes « , regrette Léopold de Callataÿ, président de l’Ufapec (Union des fédérations des associations de parents).  » N’est-il pas possible d’assurer un accueil éducatif, après les examens, dans le secondaire, comme dans le primaire ? » renchérit la Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (Fapeo).

Cette  » fin prématurée  » de l’année pose une autre question :  » Le temps scolaire est-il utilisé au mieux pour l’apprentissage ? » s’inquiète de Callataÿ. Les examens, qui ont généralement débuté dans la semaine du lundi 7 juin, mais parfois dès le mardi 1er, ont été précédés de révisions.  » Les parents ont le sentiment que leurs enfants doivent assimiler de plus en plus de matières pendant un laps de temps toujours plus court, explique-t-on au service d’études de la Ligue des familles. Nous demandons la réouverture du débat sur les rythmes scolaires, qui avait tourné court dans les années 1990.  » Cette revendication se trouve dans le mémorandum déposé par le  » syndicat des familles « , à la veille des élections.

L’année scolaire commence-t-elle réellement plus tard en septembre pour s’achever précipitamment en juin ? A première vue, nos élèves n’apparaissent pourtant pas comme des glandeurs. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ils reçoivent, de 12 à 14 ans, 1 065 heures d’instruction par an (1). C’est davantage que la moyenne internationale de 939 heures, mais assez comparable à des pays voisins comme la France (1 038 heures) ou les Pays-Bas (1 067). Certes, ce calcul est sans doute quelque peu théorique. Le calendrier scolaire débute, selon la réglementation, le 1er septembre pour se terminer le 30 juin. Ce qui représente, cette année, 183 jours de cours (pour une moyenne habituelle de 182 jours), une fois les congés légaux décomptés.

Mais, voici peu, lors d’un déjeuner de presse d’adieu, Pierre Hazette (MR), ministre sortant de l’Enseignement secondaire, qui n’était plus candidat aux élections, a fustigé le temps réduit passé à l’école : soit 150 jours effectifs de travail, à son estime, quand on a déduit les examens, les périodes de formation des enseignants, etc. Il y voit une explication aux piètres performances de nos élèves aux épreuves internationales organisées par l’OCDE. Hazette a dès lors suggéré de supprimer le congé de l’Ascension ou de la Pentecôte qui n’aurait, d’après lui, plus de sens dans notre société laïcisée.

 » En 1998, Hazette, alors député, s’était opposé au décret sur la suspension des cours pour l’organisation des épreuves d’évaluation, les délibérations des conseils de classe et les rencontres avec les parents « , se souvient Etienne Florkin, ancien responsable du secondaire au Secrétariat général de l’enseignement catholique (Segec). Hazette craignait sans doute que le maximum désormais autorisé – 15 jours seulement dans le premier cycle secondaire, mais 27 jours de la 3e à la 6e année – ne devienne la règle plutôt qu’une simple latitude.

 » A l’époque, j’étais inspectrice, se souvient Evelyne Saussez, actuelle directrice de l’Institut de la Vierge fidèle, à Schaerbeek (Bruxelles). Le décret voulait encourager les enseignants à réduire le nombre de jours consacrés aux évaluations. On disait que certains y passaient quasiment plus de temps qu’aux apprentissages mêmes. Maintenant que je suis de l’autre côté de la barrière, je me rends compte que cela n’est pas aisé de comprimer le temps des évaluations, spécialement en début de secondaire.  » Presque tous les établissements ont d’ailleurs renoncé à y programmer de véritables sessions d’examens avec congé l’après-midi pour étudier.

Autre conséquence : dans les 2e et 3e cycles, les évaluations ont souvent disparu à Pâques, pour ne subsister qu’à Noël et en juin. Les pratiques diffèrent toutefois d’un établissement à l’autre, en vertu d’une certaine autonomie pédagogique. A l’athénée de Huy, par exemple, la préfète met un point d’honneur à ne distribuer les bulletins que le 30 juin.  » Pour qu’on ne puisse pas traiter les enseignants de fainéants, commente-t-elle. Mais, selon les classes, les élèves ont eu leur dernier examen le jeudi 17 juin ou ce vendredi 18. D’ici au 30, pour les occuper, on organise les excursions, la remise des livres, etc. A tour de rôle, les enseignants délibèrent. Il faut du temps pour prendre des décisions importantes, comme l’échec ou la réorientation vers le technique et le professionnel, alors qu’à Noël l’enjeu est moindre.  » A l’athénée de Huy, en décembre 2003, les conseils de classe n’ont duré qu’un jour et les examens se sont terminés le mercredi 17.

A titre de comparaison, à la Vierge fidèle, comme dans beaucoup d’autres établissements, la session de Noël était déjà clôturée le vendredi 12 décembre. Sans doute pour ne pas prolonger le trimestre le plus chargé de l’année. En revanche, actuellement, les élèves de la Vierge fidèle sèchent toujours sur les examens qui prennent fin, selon les classes, le lundi 21 juin ou le mardi 22.

Le temps des délibérations dépend en partie de la taille de l’école et de son nombre de classes. La législation précise que le chef d’établissement ou son délégué doit présider les conseils de classe, afin d’assurer une certaine constance dans les décisions. Préfets, directeurs et sous-directeurs n’ont évidemment pas le don d’ubiquité. Ils consacrent généralement de une heure trente à deux heures à une délibération et n’en programment pas plus de six par jour.

Enfin, les parents doivent avoir le temps de contester un éventuel échec ou une réorientation. Le cas échéant, le conseil de classe doit se réunir pour confirmer ou infirmer sa décision. Le tout, avant le 30 juin.  » En l’absence de précision légale, nous avons institué l’idée d’un ôtemps raisonnable ô dans notre réseau « , explique Baudouin Duelz, responsable actuel du secondaire au Segec. Selon les établissements, cela prend de deux à cinq jours entre la dernière délibération et la date limite du 30 juin. Certaines écoles remettent les bulletins le vendredi 25. D’autres attendent le mercredi 30 et avertissent par téléphone, à partir du 28, les seuls parents d’élèves en difficulté.

Précision : on ne peut pas introduire de recours contre les examens de repêchage ou les travaux de vacances. Mais ces derniers expliquent les rentrées tardives en septembre. Seules les 1res rénovées prennent, pour la plupart, le chemin de l’école dès le mercredi 1er. Les autres le feront le vendredi 3 ou le lundi 6.  » Autrefois, il n’était pas rare que les établissements organisent des secondes sessions en août, se souvient Florkin. Mais cela a été de plus en plus difficile après les grandes grèves des années 1990.  » Soutenus par les syndicats, les enseignants ont fait remarquer que l’année scolaire ne recommence légalement que le 1er septembre. En outre, des parents apprécient peu d’écourter leurs vacances ou de devoir attendre le 1er juillet pour partir.

L’année scolaire serait-elle condamnée à se réduire comme une peau de chagrin ?  » Avant le premier choc pétrolier, on allait encore à l’école le samedi matin, rappelle Guy Herregods, directeur des humanités au collège Cardinal Mercier, à Braine-l’Alleud. Il y a moins longtemps encore, à la Toussaint et au carnaval, on avait un jour de congé, pas toute une semaine. Par ailleurs, nos missions ont été élargies par le décret de 1997. Par exemple, dans le dernier cycle, nous pouvons consacrer quinze jours à l’orientation et au choix d’une profession en permettant à nos élèves de participer à des salons ou à des journées portes ouvertes sur les études dans l’enseignement supérieur. Cela fait toujours moins de temps pour les matières proprement dites, désormais concentrées sur un minimum de jours. Résultat : en 5e et 6e, certains élèves ont huit heures de cours par jour. En session, ils ont parfois deux examens le même matin, pour ne pas excéder le quota de 27 jours de suspension. Cela explique aussi certains échecs.  » Herregods en appelle, également, à repenser les rythmes scolaires.  » En 1991, une commission, mise en place par le ministre de l’Enseignement de l’époque, avait par exemple suggéré de réduire la durée des grandes vacances, poursuit-on à la Ligue des familles. Mais les professionnels du tourisme et de l’Horeca s’y étaient opposés.  »

A titre d’information, en Flandre, les examens finissent en général une semaine plus tard. Même si les cours peuvent être suspendus, à cet effet et pour les délibérations, jusqu’à 30 jours au maximum par an. Mais trois sessions d’examens continuent généralement à être organisées. Autre différence : les recours internes sont introduits après le 30 juin. L’année scolaire court en effet du 1er septembre au 31 août, ce qui permet l’organisation d’examens de passage ou des délibérations pendant l’été.

(1) Regards sur l’éducation. Les indicateurs de l’OCDE 2003.

Dorothée Klein

L’enseignement des matières est concentré sur un minimum de jours

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