Rosanne Mathot © xzarobas

Clim et châtiments

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Où il est question d’un artiste hydropathe, de l’adresse de Dieu, des Belges et de chaleur.

Tous les Européens descendent des Belges et tous les humains descendent des Marocains. Les Belges sont donc des Marocains. C’est une vérité publique. Un syllogisme incontestable, au summum de l’exactitude. D’ailleurs, deux études récentes l’attestent. Que ça vous plaise ou non. Vous pouvez porter plainte contre le bon Dieu, si ça vous chante, mais assurez-vous d’avoir son adresse, au préalable. S’agirait pas qu’il vous arrive les mêmes bricoles qu’au sénateur américain dont la divine plainte a été classée, en 2007, parce que (sic)  » Dieu est sans domicile fixe « .

Vladimir, assis au fond du café, est comme Dieu. Il est SDF. Du pied, il cherche manifestement une planche de salut, quelque part entre les lames du parquet. C’est comme s’il avait atteint le trottoir ultime de l’Univers, la bordure absolue du monde. Vladimir est triste et il a chaud.

Autour de lui, la pièce brûle de clarté estivale. Au-dessus du café, le ciel est clair et net, comme un dôme de cristal. Ça intensifie l’ardeur du soleil. Ça fait méchamment se dilater le mercure. On transpire à n’en plus pouvoir. Paula, la serveuse, se débat avec la clim, à moitié nue, juchée sur un tabouret essoufflé. Elle finit par lâcher un  » Nom de Dieu !  » furax. L’homme à tout faire, le vieil Heinrich, de crispation thermique, serre son manche à balai dans un geste fait pour tuer.  » Mein Gott, Mein Gott !  » siffle-t-il haineusement. Vladimir sue à grosses gouttes. Son voisin fait la grimace. Il a beau être  » hydropathe « , (NDLR : c’est un artiste  » anti-eau « , comme feue Sarah Bernhardt), il réclame néanmoins une bassine à Paula. Avec de l’eau, oui. Et du savon. Merci bien.

Vous comptez vous laver ici ? intervient Vladimir.

Moi ? Non. Vous, en revanche…

Je vais avoir besoin d’une carafe, alors.

En s’agrippant à leurs aisselles moites, la conversation a rassemblé les deux hommes dans une zone neutre. Vladimir a un hoquet content. Il a pendu sa chemise sur le coin de la porte, comme on met à sécher la peau vide d’une bête. Il s’empare de la bassine et se met à se frictionner sous les bras avec la nappe. L’autre, il refuse de voir ça. Vladimir crache dans le cendrier et il se met à faire  » glouglou glouglou «  avec l’eau de la carafe.  » Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu !  » soupire l’hydropathe qui n’a jamais autant détesté l’eau de sa vie.  » Mademoiselle, s’il vous plaît : un pastis et un rollmops. Et l’annuaire. Vous serez gentille. Je cherche l’adresse de Dieu « .

Mais c’est pas tout ça : l’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer sur la Une, à 20 h 15.

Rosanne Mathot

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