Chers observateurs de l’Internet,

Je voulais vous remercier d’avoir élevé mon niveau de conscience politique. Avant, j’étais comme tout le monde : je trouvais les moines tibétains plutôt sympathiques et je ne comprenais pas pourquoi les Chinois s’évertuaient à pourrir la vie de ce dalaï-lama au sourire si doux. Bref, j’étais sous l’influence des médias capitalistes manipulés par la CIA. Heureusement que l’Internet était là pour m’ouvrir les yeux. Car, si des journaux peuvent mentir, le premier hurluberlu venu ne peut que dire la Vérité absolue, pour autant qu’il ait un bon carnet d’adresses électroniques et une ligne ADSL.

Votre mail, Monsieur Hurluberlu, avait un titre assez irrésistible :  » Non, les lamas esclavagistes ne m’auront pas  » (suivi d’une demi-douzaine de points d’exclamation pour faire le poids). Immédiatement me vint en tête l’image de types en robe safran en train de me courir derrière pour me vendre sur un marché aux esclaves comme Astérix dans Les Lauriers de César. Autant dire que je me suis dépêché de lire tout le texte. J’y ai donc appris qu’avant l’arrivée des Chinois les Tibétains étaient  » fréquemment battus, torturés ou massacrés  » et n’avaient  » aucun droit « .

Du coup, je me suis décidé à me joindre à vous. Et j’ai remercié la glorieuse Armée populaire de libération chinoise qui a affranchi les Tibétains de ce pouvoir religieux, moyenâgeux et obscurantiste.

C’est d’ailleurs pour la même raison que je vous demande de vous joindre à moi pour chanter les louanges d’une autre armée : l’armée américaine, sans laquelle les malheureux Afghans souffriraient encore sous le joug des taliban qui dynamitaient des £uvres d’art, refusaient aux filles le droit à l’éducation – OK, c’étaient des filles, donc ça ne comptait pas vraiment, mais soit… – et, en règle générale, faisaient tout ce dont les Chinois accusent les moines tibétains, mais à la puissance 10.

Et n’ayons pas peur d’anticiper : préparons-nous à applaudir la décision de l’excellent George W. Bush de libérer, dans un avenir que l’on espère proche, les Iraniens, victimes d’un autre pouvoir obscurantiste. Les Américains installeront probablement à Téhéran un régime où les masses laborieuses seront exploitées au profit d’une clique d’oligarques nouvellement enrichis et où quiconque exprimera une critique sera emprisonné illico. Ici aussi, nous ne pourrons qu’applaudir : un tel régime sera en tout point semblable à celui qui détient le pouvoir à Pékin.

Vive la Chine, donc ! Vive les Etats-Unis ! Et vive le sport, grâce auquel la paix et l’harmonie règnent sur terre. Même que ceux qui, cet été, à Pékin, mettront en doute ce dernier point auront intérêt à courir vite.

DE MARC OSCHINSKY

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