Chers amis monégasques,

Je vous écris d’un pays au bord de la guerre civile. Un pays où, entre deux 747 qu’on envoie se crasher sur une piste trop courte plutôt que de déranger les habitants du Noordrand dans leur sieste dominicale, il y a des grèves.

Dans ce pays, les chauffeurs de bus arrêtent le travail pour obtenir le maintien de leur droit de boxer les passagers. Cette action sociale a d’ailleurs fait pas mal de malheureux. Pas chez les usagers – depuis le temps qu’ils n’ont plus vu de bus, ils ne savent même plus à quoi ça ressemble – mais chez les masochistes qui, pour le prix d’un ticket, avaient leur plaisir quotidien.

Dans ce pays, tout le monde tape sur tout le monde. A Anderlecht, ça se castagne entre hooligans et  » jeunes  » (pour une raison mystérieuse, seuls les jeunes gens issus de l’immigration ont le droit d’être appelés  » jeunes « . Les Belges de souche, on le suppose, passent immédiatement de l’enfance à la vieillesse). On regrette de ne pas avoir été invité à la Fête des voisins de la place Saint-Guidon, il devait y avoir de l’ambiance.

Ça s’éclate aussi la tronche, bien entendu, entre Flamands et francophones, on ne va pas changer une tradition si bien ancrée dans les m£urs. Ça se cherche noise entre le ministre des Affaires étrangères, qui veut une fois pour toutes se brouiller avec le Congo, et José Happart, qui préfère exalter la longue amitié qui unit la Wallonie à la Syrie. Même que, lorsqu’on voit le sympathique régime au pouvoir à Damas, on en vient presque à regretter Willy Burgeon et son amour de la Corée du Nord.

Dans ce pays, il y a donc un certain suspense. Chaque soir, on se demande si, le lendemain, on se réveillera dans un Etat ou au milieu d’un tas de ruines encore fumantes.

Et chez vous ? Oh, chez vous, tout va bien. C’est même un paradis social. Une certaine Justine H., née en Belgique mais qui a vite choisi d’aller se réfugier sur votre Rocher, m’a assuré qu’à Monaco l’âge de la retraite était fixé à 26 ans. Et attention, chez vous, les pensions, ce ne sont pas quelques centaines d’euros qu’on attribue avec l’air de celui qui vous fait une énoooorme faveur. Non, chez vous, ça se chiffre en milliers d’euros. Ou en millions. Enfin, on ne sait plus, mais ça se chiffre.

Dites… Une fois que la Belgique aura éclaté, on pourrait venir se rattacher à vous ? Parce que les Français, on n’y tient pas trop. Et que les Luxembourgeois, on ne les sent pas très chauds à l’idée. Et enfin parce que, si on le laisse faire, Happart va nous rattacher à la Syrie. C’est pas qu’on soit contre, mais on n’est pas sûr qu’Amnesty trouvera suffisamment de volontaires pour nous défendre tous.

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