Blok, chanteur multimédia

Cinéma, chanson, poésie : Stéphane Blok est un artiste transmédiatique. Il ne craint pas les  » nouvelles technologies  » et ne s’oppose pas au téléchargement de la musique. Rencontre

Suivez le guide : www.blok.ch et www.ixieme.com

Il y a la Suisse que l’on croit connaître : celle des banques, des montres et du chocolat. Dans les interstices, on entrevoit pourtant un autre pays, souterrain et marginal. Stéphane Blok en vient. Trentenaire depuis peu, il habite Lausanne, au bord du lac Léman. C’est un troubadour moderne. Un griot multimédia, aussi à l’aise sur les planches d’un théâtre que devant une table de mixage.  » Musicien, cinéaste ou poète, tu fais finalement toujours le même métier « , dit-il. Le métier, il l’a appris en grattant sa guitare dans les rues des cités helvétiques. Un premier contact avec le public, auquel a succédé un apprentissage plus classique, à l’école de jazz de Lausanne.

La voix de Stéphane Blok est douce. Elle semble toujours apaisée, même lorsque les guitares électriques se déchaînent. Ses chansons ne racontent pas d’histoires, ne défendent aucun discours. Elles sont des instantanés qui reflètent le quotidien mitigé de l’Occident moderne. Les endroits évoqués dans les textes sont des lieux communs : une route, un WC, une cuisine. Et quand un nom propre apparaît au détour d’une phrase (Lara Croft, Rocco Siffredi), il n’appartient ni à la réalité, ni à la fiction, mais à une sorte de monde intermédiaire. Cet univers virtuel, Stéphane Blok le décrit avec distance, ironie et sensibilité. Sur Lobotome, il chante :  » J’ai pas pris les pastilles/ Qu’on m’avait conseillées / Ni touché aux cachets / Du tact, SVP. / Mais qui donc est cette fille ? / Où l’aurais-je rencontrée ? / Peut-être une autre vie / Ni de loin, ni de près.  » La plupart du temps, les textes ressemblent à de la peinture abstraite. Ils ne figurent rien, mais ils inspirent des sentiments.  » La chanson, c’est presque un territoire vierge, raconte-t-il. On est tous à se bousculer sur une surface grande comme une boîte d’allumettes, alors qu’il y a encore plein de choses à expérimenter au niveau des textes.  »

Stéphane Blok, c’est 4 albums, 300 concerts. Un nom étranger aux oreilles du grand public, mais une singularité reconnue par la critique. Au fil du temps, sa musique a pris quelques distances avec la chanson jazzy et un peu naïve des débuts, pour intégrer de plus en plus d’électronique.  » J’utilise un boucleur synthétisé, ça facilite beaucoup le travail. Mais tout est joué en prise directe : je reste un musicien, pas un informaticien.  » L’informatique, en tout cas, ne peut plus être ignorée par aucun chanteur. Surtout depuis que le téléchargement a provoqué une polémique énorme au sein de l’industrie du disque.  » Moi, j’y suis tout à fait favorable. Aujourd’hui, on est dans un système en sablier : il n’y a jamais eu autant de consommateurs et de producteurs de musique, et aussi peu de gens au milieu pour décider ce qu’on peut produire et écouter. Internet va faire péter tout ça.  » Le message est clair. D’ailleurs, Blok compte bien participer lui-même à ce grand dynamitage. Son cinquième album sortira directement sur le Net, sans passer par un label.  » Je soigne de plus en plus mon site Web. Au début, je ne voyais pas trop l’intérêt d’avoir une vitrine à mon nom. Pourtant, ce sera bientôt l’outil n° 1 pour la diffusion de mon travail.  »

 » Je bouffe à tous les râteliers « , reconnaît Stéphane Blok. De fait, des installations multimédias à la danse, il n’y a presque aucun métier du spectacle auquel il n’ait jamais goûté. Auteur de compositions pour des pièces de théâtre, mais aussi pour des documentaires et des films d’animation, il n’a jamais eu peur non plus de confronter sa musique aux images. Avec Ixième, un long-métrage réalisé par Pierre-Yves Borgeaud et primé en août dernier au Festival de Locarno, il a encore franchi un pas supplémentaire. Pour la première fois, il a participé à l’écriture du scénario, tout en signant la bande originale.

Le film se présente comme un  » journal poétique vidéo « . Il relate l’histoire d’un physicien, condamné pour avoir commis un délit informatique dont on ne sait s’il était volontaire ou non. On lui a introduit une puce électronique dans la cheville, et il lui est interdit de quitter son domicile. Dans cette cellule du futur, le détenu filme sans cesse son appartement avec une petite caméra numérique.  » Prisonnier d’un monde d’images et de bits « , il finit par disparaître mystérieusement après deux cents jours de captivité. Reste l’impression d’une vie standard, d’un monde standard, d’une aliénation standard û que Stéphane Blok met en musique avec brio.

François Brabant

François Brabant

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