Avec Laurent, les business men se font philanthropes

Le prince veut promouvoir les énergies renouvelables. Des hommes d’affaires avisés soutiennent ses activités. Qu’il se décide enfin à en faire un vrai gagne-pain !

Laurent est-il un homme d’affaires qui gère un business florissant ? La myriade de petites sociétés, ASBL et fondations qui tournent autour de lui le laisse penser. On retrouve à la tête de ces entités les mêmes noms : Rik Van Aerschot, président honoraire de la VUB et ancien patron de Vinçotte, Michel Pilette, ancien patron de Jones Lang Wootton et actuellement conseiller dans le marché immobilier, Pierfrancesco Pozzi Rocco, investisseur immobilier, ancien des banques JP Morgan et Citibank, Rodolphe d’Oultremont, fiscaliste et administrateur de sociétés. Tous se connaissent, pas forcément depuis longtemps, et font des affaires ensemble. Mais il n’y a là rien de répréhensible.

Laurent est donc au c£ur d’un ensemble assez complexe, comme il en existe des milliers en Belgique. Cette  » galaxie  » imbrique l’environnement – une préoccupation de longue date du prince, assure son entourage – et l’immobilier. L’anomalie, c’est que le monde des affaires, que l’on dit généralement impitoyable, semble devenir subitement très philanthrope au contact de Laurent. La proximité de sang bleu semble faire perdre à des businessmen chevronnés toute notion de rationalité économique.

IRGT : un président très peu assidu

Depuis quelques années, Laurent préside l’IRGT (Institut royal pour la Gestion durable des Ressources naturelles et la Promotion des Technologies propres) sis à Uccle. Avec une assiduité très relative : il lui arrive de ne pas y mettre les pieds pendant un mois. Il semble consacrer plus de temps à la Maison des Energies renouvelables, rue d’Arlon à Bruxelles. Les numéros 63 à 67 – des immeubles historiques entièrement rénovés écologiquement (des énergies propres servent pour la consommation quotidienne de chauffage, d’eau, etc) – abritent son QG.

Ces bâtiments hébergent deux sociétés, fondées par le prince Laurent, visant à promouvoir les énergies renouvelables : l’ASBL GSDT (Global Sustainable Development Trust), créée en novembre 2007, et la fondation Grect (Global Renewable Energy and Conservation Trust), lancée en octobre 2006, qui compte parmi ses administrateurs le vicomte Etienne Davignon. Les buts poursuivis par la Grect et la GSDT sont sensiblement les mêmes que ceux de l’IRGT. Mais l’IRGT est un institut public subsidié par les trois Régions,  » donc, tous ses projets doivent être avalisés par celles-ci, contrairement à l’ASBL et à la fondation qui sont indépendantes des pouvoirs publics « , assure Rik Van Aerschot, administrateur de la GSDT.

Certes… Très prosaïquement, on peut tout de même se demander si les deux structures privées constituent une solution de repli pour Laurent, en prévision du jour où l’IRGT mourra de sa belle mort ( lire l’encadré ci-dessous)…

Deux sociétés immobilières sont entièrement consacrées aux immeubles de la rue d’Arlon, qu’elles ont achetés et rénovés à grands frais : Cerbux-Invest, pour les numéros 63 et 65 (avec des subsides régionaux), et REC-Arlon 67, pour le dernier numéro. Van Aerschot est administrateur des deux.

Où est l’intérêt des actionnaires dans cette affaire ?

Pourquoi deux sociétés distinctes ?  » Les actionnaires de la SA Cerbux ont donné leurs 7 250 actions à la fondation Grect pour lui permettre de détenir le bâtiment, détaille Rodolphe d’Oultremont, administrateur délégué des deux sociétés immobilières. Ce n’est pas un gros cadeau, car Cerbux ne vaut pas grand-chose. Il a d’ailleurs fallu contracter un emprunt bancaire pour les travaux de rénovation. L’actionnaire unique de Cerbux étant la fondation, nous avons dû créer une nouvelle société pour le n° 67, car nous voulions associer au projet la Société régionale d’investissement de Bruxelles (Srib).  » Les actions de Rec-Arlon 67 sont, en effet, détenues en partie par la Srib et en partie par la fondation. Un expert fiscal nous a confirmé qu’il n’était pas rare ni anormal de créer une société immobilière distincte pour un projet unique. Certes, mais des questions subsistent : où diable était l’intérêt des actionnaires dans cette affaire ? L’image, répondent systématiquement, la bouche en c£ur, les intéressés, qui répètent à l’envi que le secteur est très porteur, qu’il a un avenir radieux, etc.

Autre mystère : la transformation en or de la marque Grect, début 2007. Lorsqu’il crée sa fondation en 2006, Laurent investit une somme de 1 000 euros, dont 950 serviront à déposer, le 28 décembre, le logo européen Grect. Lequel est racheté quinze jours plus tard, contre un paquet d’actions d’une valeur de 150 000 euros, par la toute nouvelle société Rec-Arlon 67, pour une durée de vingt ans. Une belle et rapide valorisation pour un logo tout neuf !  » La marque Grect, qui désigne l’intégration de toutes les énergies renouvelables, est unique en Europe « , justifie Christine Lins. Une économiste autrichienne chargée de la gestion journalière de la fondation… le tout bénévolement. Cette spécialiste des énergies renouvelables, est, avant tout, secrétaire générale d’Erec, un puissant lobby européen d’associations qui promeuvent les idées et les matériaux liés aux énergies propres. Depuis janvier 2006, Erec, qui souhaitait établir son siège dans un lieu correspondant à sa philosophie, loue une partie du complexe immobilier de la rue d’Arlon. Le montant de la location fait l’objet de rumeurs : il serait bien au-dessus de la moyenne du quartier.  » Ce n’est pas vrai, réagit Christine Lins, secrétaire générale d’Erec. C’est un prix normal, mais je ne crois pas qu’il soit judicieux de vous le communiquer.  » Dommage dans un tel contexte.  » Cet argent permet de rembourser l’emprunt bancaire pour la rénovation du bâtiment, renchérit d’Oultremont. D’ici à une vingtaine d’années, l’immeuble sera propriété de Cerbux qui appartient à la fondation Grect, qui, elle-même, n’appartient à personne. Si elle venait à être liquidée, l’argent ne pourrait être reversé qu’à une fondation poursuivant le même but. « 

Laurent ne semble pas retirer le moindre intérêt financier de ces curieux micmacs. Son image dans le petit monde des énergies renouvelables serait également plutôt positive. Que ne mise-t-il pas sur ce capital pour devenir un vrai entrepreneur ! Son devoir : que ce soit en toute transparence, avec de l’argent privé, et sans bénéficier de passe-droits. Mais pour cela, il lui faudrait renoncer à sa dotation (lire l’encadré p.58).

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