Au chat et à la souris
Steve Buscemi réalise et joue Interview, remake du film de Theo Van Gogh. Un huis clos qui allie drôlerie et acidité, sur fond de guerre des sexes.
Theo Van Gogh rêvait de réaliser des films aux Etats-Unis, en commençant par un remake de son propre Interview de 2003. Sa mort violente, des mains d’un fondamentaliste musulman, le 2 novembre 2004, a mis une fin brutale aux projets de l’artiste néerlandais. Mais le producteur Gijs van de Westelaken a voulu poursuivre le travail entamé par Van Gogh en confiant sa réalisation à Steve Buscemi. Cet acteur au talent très original, apprécié tant des frères Coen ( Miller’s Crossing, The Big Lebowski, Fargo) que de Jim Jarmusch ( Coffee and Cigarettes) et de Quentin Tarantino ( Reservoir Dogs) est devenu l’interprète fétiche d’un certain cinéma indépendant américain. Il passe aussi régulièrement derrière la caméra depuis le début des années 1990, avec trois films à son actif, dont Lonesome Jim, sorti en 2005.
Heureux de participer à l’hommage rendu à Van Gogh, créateur ignorant les concessions et grand pourfendeur de l’hypocrisie ambiante, Buscemi a voulu respecter son approche très particulière. Il a fait venir à New York le chef opérateur, la scripte et les cadreurs du film original, et a repris le concept de trois caméras numériques suivant respectivement le personnage masculin, le personnage féminin, et les deux cadrés ensemble. Il a choisi de jouer lui-même le rôle de Pierre Peders, un journaliste politique guère heureux de devoir aller interviewer une jeune comédienne star d’une série télévisée populaire dont il soupçonne la vacuité intellectuelle. Mais Katya se révélera plus complexe qu’il ne l’attendait, et l’entretien deviendra prétexte à une partie tendue, où se révéleront les contradictions mutuelles, et où les masques tomberont ou feindront de tomber.
Drôle, cruel et surprenant
De cette riche confrontation, où Sienna Miller donne une remarquable réplique à Steve Buscemi, Interview fait un spectacle à la fois drôle et cruel, intense et surprenant, sur fond de guerre de sexes et de rapports de pouvoirs fluctuants. Au jeu du chat et de la souris, le gagnant n’étant pas forcément celui qu’on attendait… Une réussite épatante, qui sera suivie de deux autres remakes d’£uvres de Theo Van Gogh. Stanley Tucci et Bob Balaban ayant accepté de réaliser de nouvelles versions de Blind Date et 06, deux films évoquant eux aussi la naissance d’une relation entre homme et femme, pour compléter ce qui formera une trilogie.
Louis Danvers
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