Tasses, semelles, gamelles: comment recycler le chewing-gum
Après la cigarette, le chewing-gum est le déchet urbain le plus répandu. Qui pollue particulièrement. Des entreprises commencent à réfléchir à des manières de le recycler.
Chique, chiclette, chewing-gum… Quel que soit le nom qu’on lui donne, ce petit bonbon à mastiquer représente un défi de taille en termes de pollution et de recyclage. Nombreux le jettent sans y penser par terre ou dans la nature. Or, il met des années à se dégrader. Deux entreprises européennes essaient d’apporter une solution : des boîtes de collecte de chewing-gum mâché en vue de les recycler.
« Le chewing-gum représente 100.000 tonnes de pollution plastique par an », détaille Sandrine Poilpré, co-fondatrice de l’entreprise française KeeNat. La « chiclette » est également le deuxième déchet urbain, après le mégot de cigarette. Or elle met 3 à 10 ans à se dégrader et n’est pas biodégradable. Les collectivités doivent dépenser des sommes astronomiques pour les décoller du sol en milieu urbain.
Pour fabriquer le chewing-gum, il faut du plastique et du pétrole
C’est que le chewing-gum est composé de « plein de trucs », explique Sandrine Poilpré. A commencer par le plastique et le pétrole. C’est justement grâce à cette composition que l’entreprise britannique Gumdrop, créée en 2009, a réussi à en faire un polymère permettant la création d’ ‘Americano mugs’ (des tasses réutilisables), de couvertures plastiques de carnet, de gamelles pour chien et même des semelles de chaussures, grâce à un partenariat temporaire avec Adidas.
KeeNat, quant à elle, a lancé son initiative « Freegum » fin 2019, via laquelle l’entreprise collecte des chewing-gums mâchés dans des bornes roses placés à des endroits stratégiques, comme aux abords d’écoles en région bordelaise. La pandémie de Covid a toutefois mis un frein à l’avancée du projet, qui n’a repris que récemment. Pour l’instant, KeeNat analyse les chewing-gums « usagés » pour déterminer quelles en sont les matières récupérables. Ils sont ensuite brûlés avec d’autres déchets toxiques pour récupérer de l’énergie.
Les hommes ont tendance à jeter leur chewing-gum dans l’urinoir
La britannique Gumdrop se situe une étape plus loin. L’entreprise a déjà installé des « Gumdrop bin » dans différents endroits en Irlande et en Grande-Bretagne, comme le stade Aviva à Dublin, où des boîtes ont été placées à côté des urinoirs. « Car saviez-vous que les hommes ont tendance à y jeter leur chewing-gum ?, demande Glenn Laurentius, de Consensus Group. Bonjour les soucis sanitaires. Les boîtes à cet endroit fonctionnent vraiment bien ».
Les chewing-gums sont collectés dans des boîtes roses, changées une fois tous les trimestres et regroupées dans des sacs, continue Glenn Laurentius. Une fois qu’une palette est remplie de sacs, elle est envoyée par avion au Royaume-Uni. Là-bas, palettes, sacs et boîtes roses sont recyclés et transformés en polymère, à savoir le Gum-Tec. Qui est actuellement utilisé pour recréer des boîtes roses.
Pour l’instant, tout le recyclage se fait au Royaume-Uni, car c’est là que sont les machines, mais selon Glenn Laurentius, cet aspect pourrait également être exporté, si la croissance de l’entreprise le permet. Des discussions pour débuter cette activité en Belgique viennent d’être engagées.
Sensibilisation est le maître mot
De son côté, KeeNat se concentre pour l’instant surtout sur la sensibilisation. Le recyclage et la revalorisation du chewing-gum mâché « n’est que la cerise sur le gâteau », explique Sandrine Poilpré. L’entreprise française vient de lancer des campagnes grand public. Les premières ont eu lieu aux abords de « collèges et lycées » et ont reçu plutôt un bon accueil auprès des jeunes. Gumdrop ,va pareillement installer des « Gumdrop Bin » près d’écoles à Breda, aux Pays-Bas.
Pour Glenn Laurentius, il y a beaucoup d’endroits où Gumdrop pourrait avoir sa place. Il parle par exemple de l’initiative de la Winchester University, au Royaume-Uni, où des boîtes roses ont été placées, et sont recyclées pour produire des tasses réutilisables, qui sont ensuite vendues sur le campus.
En 2025, une directive européenne de « pollueur-payeur » sera imposée aux fabricants de chewing-gum, à l’instar de celle qui existe déjà pour les cigarettiers. En Belgique, un accord de coopération interrégional concernant la Responsabilité Élargie des Producteurs, entre autres de chewing-gum, a été approuvé en juin dernier, a fait savoir le cabinet de Céline Tellier. En attendant de voir les petites boîtes roses fleurir à gauche et à droite, mieux vaut garder son chewing-gum en bouche…
Aude van den Hove
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