Zuzana Caputova

Zuzana Caputova, favorite à la présidentielle slovaque

Le Vif

Zuzana Caputova, novice en politique, avocate libérale et écologiste, pourrait devenir la première femme à la tête de la Slovaquie à l’issue du deuxième tour de la présidentielle samedi face au candidat du parti au pouvoir.

Cette activiste de 45 ans était relativement loin dans les sondages à quelques semaines des élections, avant de voir sa cote de popularité monter en flèche et de remporter le premier tour le 16 mars. Bénéficiant du désenchantement des électeurs vis-à-vis de la coalition au pouvoir, elle était créditée de plus de 60% d’intentions de vote peu avant le second tour.

« Les gens appellent au changement », déclarait-elle, interrogée par l’AFP un an après l’assassinat d’un journaliste d’investigation enquêtant sur la corruption de haut niveau, qui avait plongé le pays dans une crise politique majeure.

Comme des dizaines de milliers d’autres Slovaques, Mme Caputova était descendue dans la rue pour protester contre l’assassinat du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée Martina Kusnirova à leur domicile en février 2018.

Le journaliste était alors sur le point de publier son enquête sur les liens présumés entre des hommes politiques slovaques et la mafia italienne ainsi que sur des fraudes autour des fonds agricoles européens.

Mme Caputova, qui s’est engagée à lutter pour une Justice plus efficace et indépendante, était un des vice-présidents du parti Slovaquie progressiste, non représenté au parlement, avant de déposer sa carte de membre.

« Aux yeux des électeurs, elle répond aux problèmes actuels », indique à l’AFP l’analyste Grigorij Meseznikov.

– « Ame pure » –

Oratrice hors pair, Mme Caputova a été soutenue par le président libéral sortant Andrej Kiska et par nombre de célébrités, comme le chanteur rock Palo Habera qui voit en elle « une âme pure ».

Elle est favorable à l’avortement et aux droits élargis pour les couples homosexuels, estimant qu’un enfant vivra « mieux avec deux êtres amoureux de même sexe » que dans un orphelinat.

Elle peut compter sur le soutien des électeurs libéraux des villes. La population des campagnes, plus conservatrice, lui est moins favorable.

Zuzana Caputova
Zuzana Caputova© AFP

Mme Caputova reconnaît manquer d’expérience dans le domaine de la défense et de la sécurité. « Je devrai compter sur mes conseillers pour aborder ces sujets », déclare-t-elle. « La ponctualité n’est pas mon point fort » non plus, ajoute la juriste.

– Contre une décharge publique –

Zuzana Caputova est née dans la capitale slovaque, le 21 juin 1973, mais a passé les premières années de sa vie dans la ville voisine de Pezinok.

Après des études de droit à l’université Comenius à Bratislava, elle a rejoint Via Iuris, une organisation slovaque de défense des droits.

Elle y a mené avec succès une campagne pour bloquer l’installation d’une grande décharge publique à Pezinok, d’une surface comparable à 12 terrains de football.

Pendant 14 ans, les habitants de la ville se sont battus contre ce site. Et l’avocate a organisé à l’époque la plus grande mobilisation citoyenne depuis la révolution de velours de 1989 qui avait renversé le régime communiste en Tchécoslovaquie.

Zuzana Caputova
Zuzana Caputova© AFP

En 2013, la Cour suprême slovaque a donné raison aux habitants de Pezinok, en annulant le permis de construire de la décharge.

L’affaire a poussé la Cour de justice de l’Union européenne à établir des règles de consultations ouvertes dans le cas des projets d’urbanisme qui peuvent affecter l’environnement. « L’histoire d’une petite ville slovaque a eu un impact international important », s’est félicitée ensuite Mme Caputova.

En 2016, ses efforts sont récompensés par le très prestigieux prix Goldman pour l’environnement, une sorte de Nobel pour les défenseurs de l’environnement.

Membre de l’organisation Environmental Law Alliance Worldwide, elle aime aussi le dessin, le basket-ball, la randonnée et la natation. A l’aise en anglais, elle regrette d’avoir oublié son russe, qu’elle aimerait rafraîchir. Elle est divorcée, mère de deux filles adolescentes. Son compagnon est musicien et photographe.

Voitures, pots-de-vin et paroles d’amour… Cinq choses à savoir sur la Slovaquie

La Slovaquie, qui choisit samedi son nouveau président, a passé des décennies derrière le rideau de fer avant de rejoindre l’Union européenne, la zone euro et l’Otan. Récemment, l’assassinat en 2018 d’un journaliste enquêtant sur la corruption de haut niveau et la mafia italienne a conduit aux plus grandes manifestations antigouvernementales depuis la chute du régime communiste dans ce pays de 5,4 millions d’habitants.

– Economie motorisée

Premier producteur mondial de voitures par tête d’habitant, la Slovaquie accueille sur son sol quatre grands sites automobiles: Volkswagen, Kia Motors, PSA Peugeot Citroën et Jaguar Land Rover.

En 2018, plus d’un million de voitures ont quitté les chaînes de montage slovaques et leurs exportations se sont chiffrées à 3,7 milliards d’euros. Le secteur automobile représente 44% de l’ensemble de la production industrielle du pays. L’économie slovaque devrait connaître une croissance de 4,5% cette année, comparé à 4,2% en 2018.

Le Parlement a approuvé pour 2019 un budget en équilibre, une première dans l’histoire moderne du pays.

– Paradis touristique

Faisant partie des plus petits membres de l’UE, la Slovaquie est riche de ses trésors touristiques dont neuf parcs nationaux, plus de 6.000 grottes et 180 châteaux.

Elle compte près de 60 églises en bois bien préservées, construites sans un seul clou, dont beaucoup sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco. La plus ancienne, l’église Saint-François-d’Assise, datant du XVe siècle, se trouve dans le village d’Hervartov, dans l’est du pays. Les montagnes slovaques attirent les amateurs de ski de toute l’Europe centrale.

– Journaliste assassiné

Le journaliste d’investigation slovaque Jan Kuciak a été abattu avec sa fiancée en février 2018 alors qu’il s’apprêtait à publier un article sur des liens présumés entre des hommes politiques slovaques et la mafia italienne.

Le meurtre du journaliste et son enquête explosive publiée à titre posthume ont plongé le pays dans une crise profonde, éveillant des inquiétudes sur la liberté des médias et la corruption. De grandes manifestations ont forcé le gouvernement à démissionner. Cinq personnes ont été inculpées.

L’an dernier, la Slovaquie a enregistré un indice de corruption le moins favorable depuis 2013, se plaçant 57e (trois places plus bas qu’en 2017) sur la liste de Transparency International, qui classe 180 pays selon le degré de perception de la corruption dans le secteur public.

– L’épicentre de l’amour

Selon l’Académie mondiale des records, le plus long poème d’amour est né en Slovaquie. Ecrit en 1844, « Marina » raconte en 2.900 lignes la flamme et le désespoir amoureux du poète Andrej Sladkovic à l’égard de sa muse Maria Pischlova.

Contrairement à Roméo et Juliette, l’histoire de cet amour tragique est vraie. La belle Maria fut contrainte par ses parents bourgeois à épouser un riche fabricant de pain d’épices plutôt qu’un plumitif désargenté.

La maison où vécut Maria dans la ville minière médiévale de Banska Stiavnica est connue aujourd’hui comme « l’épicentre de l’amour ». Son exposition interactive comprend notamment un « amouromètre » censé mesurer la force des sentiments d’un couple.

– Scission pacifique

La République slovaque a fait partie de la Tchécoslovaquie qui a déclaré son indépendance de l’empire austro-hongrois en 1918 et qui a réuni les Tchèques et les Slovaques.

La Tchécoslovaquie est restée une démocratie stable jusqu’à son démembrement en 1938. Sous l’occupation nazie, elle se transforma en un Etat fantoche sous le régime du père Jozef Tiso, qui accepta d’envoyer des dizaines de milliers de Juifs dans des camps de la mort allemands.

La Tchécoslovaquie a été restaurée en 1945. Trois ans plus tard, à la suite d’un coup d’Etat communiste, le pays s’est trouvé, pour quatre décennies, sous la domination soviétique.

La Révolution de velours a renversé le régime totalitaire en 1989 et, en 1993, la Tchécoslovaquie s’est divisée pacifiquement en République tchèque et en Slovaquie.

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