Le Premier ministre italien Giuseppe Conte, un capitaine fixant le cap pendant la crise. © BELGAIMAGE

Une note d’espoir dans une année pourrie: l’Italie, rempart contre l’extrémisme

Le Vif

Dépouillée de ses fonds de commerce électoraux anti-Union européenne et anti-migrants, l’extrême droite italienne n’a pas prospéré sur la crise sanitaire. Le Premier ministre Giuseppe Conte l’a globalement bien gérée. De quoi doper sa stature.

Avec une circulation souterraine de la Covid-19 qui, selon une étude menée par l’Institut italien du cancer, a débuté en septembre 2019, la Péninsule est le premier foyer d’infection européen à avoir été frappé de plein fouet par l’implacable violence du virus. Avec ses quelque 50 000 victimes, l’Italie a ainsi endossé, malgré elle, le rôle de précurseur sur le terrain de l’impondérable.

Connus pour leur penchant pour une joyeuse insoumission face aux règles, les Italiens, soudain dociles, ont accepté le premier confinement général européen sous surveillance policière, adopté le 9 mars. Résilients, ils ont consenti à renoncer temporairement à une part conséquente de liberté face aux directives d’un univers politique s’abritant derrière l’arbitrage scientifique. Sentimentaux, ils ont ouvert la voie aux concerts improvisés sur les balcons à travers le pays et aux vibrants hommages quotidiens, pétris de larmes et d’applaudissements, destinés à un service national de santé débordé. Une résistance encensée à travers le monde. Au mois de juillet, le New York Times publiait un éditorial dont le titre était un inhabituel éloge: « Pourquoi les Etats-Unis ne peuvent-ils pas être comme l’Italie? »

La si redoutée conflagration sociale n’a pas eu lieu.

Par ailleurs, cette fois en tendance inversée avec ce qui s’est passé dans d’autres pays occidentaux, l’épidémie a consolidé l’autorité et la solidité de l’exécutif en place. Mesuré mais ferme, le président du Conseil Giuseppe Conte, à la tête d’une hétéroclite majorité gouvernementale, a vu sa popularité grimper progressivement pour atteindre, au pire moment de la vague épidémique du printemps, 71% d’opinions positives. Un niveau de confiance jamais enregistré en Italie au cours des dix dernières années. Or, malgré l’usure psychologique de la population, soumise, depuis le 6 novembre, à un reconfinement à géométrie variable, Conte comptait encore, d’après un sondage réalisé par Ipsos en novembre, plus de 60% d’opinions favorables.

Ce miraculeux consensus explique pourquoi la déflagration populiste, crainte dans la Péninsule comme en Europe, n’a finalement pas eu lieu. Pourtant, depuis mars 2020, Matteo Salvini, le leader de la Ligue et le chef de l’opposition, a persévéré dans l’obstruction systématique à tout effort gouvernemental entrepris pour endiguer la crise sanitaire. Et, fidèle à ses habitudes, il a aussi essayé de nourrir le ressentiment envers les nouveaux migrants, coupables, selon lui, d’amener le virus dans le pays. Une stratégie qui s’est révélée vaine comme l’a démontré le revers électoral essuyé par la Ligue aux scrutins régionaux de septembre. Après avoir frôlé la barre des 40% des intentions de vote en juillet 2019, le parti n’atteint, fin 2020, que 24% d’opinions favorables.

Stabilité sociale

Paladin d’un nationalisme nostalgique et parfois agressif, Matteo Salvini paraît, de même, avoir de plus en plus de mal à justifier sa traditionnelle défiance à l’égard de Bruxelles, après que l’Union européenne a officiellement décidé de débloquer des aides massives, dans le cadre de l’inédit plan de relance Next Generation, conçu pour faire face aux conséquences socio-économiques de la pandémie. Matteo Salvini semble ainsi avoir perdu, au moins momentanément, ses deux meilleurs fonds de commerce électoraux: l’hostilité envers des institutions européennes et l’angoisse provoquée par les flux migratoires, dépassées qu’elles ont été par l’appréhension nourrie à l’égard de la Covid-19, un ennemi considéré comme plus impérieux et imminent.

Ce rééquilibrage politique a en outre été accompagné par une inespérée, bien que toujours précaire, stabilité sociale. Connue pour sa modération, la ministre de l’Intérieur Luciana Lamorgese n’a pourtant cessé, depuis la première vague épidémique, d’évoquer « le risque de débordements de violence extrémiste à l’échelle nationale ». Les virulentes manifestations, organisées fin octobre, de Turin jusqu’à Naples, par une dangereuse galaxie de contestataires, composée de négationnistes, de néo- fascistes et d’infiltrés issus du crime organisé et adeptes de la guérilla urbaine, semblaient lui donner raison. Mais, malgré ce regain de tension, la si redoutée conflagration sociale n’a pas eu lieu. La Péninsule, tant bien que mal, tient encore debout.

Le défi: réussir le plan de relance économique

Pour faire face à une chute du produit intérieur brut (PIB) estimée à 10% pour 2020 et à la possible faillite d’environ 460 000 entreprises, le gouvernement italien a engagé des dépenses supplémentaires de l’ordre de 139 milliards d’euros. Une politique expansionniste à l’origine de l’explosion de l’endettement public qui frôle désormais 160% du PIB. Or, cet effort extraordinaire a été accompli dans l’attente des ressources provenant du plan de relance européen. Un retard dans la planification de l’utilisation de ces fonds ou de la mise en oeuvre des réformes promises par l’exécutif Conte, voire d’ultérieurs délais dans l’obtention même de ces ressources communautaires, pourraient mettre dangereusement en péril le fragile équilibre qui s’est instauré dans la Péninsule.

Par Silvia Benedetti, correspondante en Italie

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