La vie tokyoïte, un apprentissage de la frénésie et de la solitude. © getty images

Tinder japonais : Vanessa Montalbano dans le labyrinthe de la séduction

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Jeune française installée à Tokyo, Vanessa Montalbano y est devenue accro aux applis de rencontre. Au Japon, on date pour tout et n’importe quoi.

A 28 ans, une irrépressible envie d’ailleurs. Un jour de 2016, Vanessa Montalbano boucle sa valise, prend son chien et s’envole pour Tokyo. Avec un visa d’un an. Sept ans plus tard, elle est toujours là-bas. Quelques mois après son arrivée, elle trouve un job à mi-temps, en soirée: un baito (petit boulot payé à l’heure) dans un izakaya (bistrot) où se retrouvent, après leur journée au bureau, des groupes de salarymen qui y organisent des nomikai (réunions arrosées).

Pour «matcher», le critère du groupe sanguin peut être décisif.

La jeune Parisienne prend des cours de japonais, fait l’expérience de la frénésie de la vie tokyoïte, mais aussi de son envers moderne, la solitude. Pour perfectionner sa maîtrise de la langue, elle télécharge des applications de rencontre. Elle découvre alors les potentiels infinis du Tinder japonais. «Au Japon, on date pour tout et n’importe quoi: trouver le grand amour, le partenaire d’un soir, mais aussi un soft friend avec qui prendre son bain, partager son lit», constate Vanessa Montalbano dans le récit de son immersion japonaise Tokyo crush (1).

(1) Tokyo crush, par Vanessa Montalbano, Les Arènes, 202 p.
(1) Tokyo crush, par Vanessa Montalbano, Les Arènes, 202 p. © National

Sur Tinder, la majorité des messages sont écrits en keigo, un système codifié de politesse, avec lequel il faut se familiariser. «Très formel, ce langage crée une distance, n’aide pas à établir une intimité, prévient l’autrice. Des couples restent dans cette phase durant des mois.» La séduction obéit à des règles complexes au Japon. Il faut toujours distinguer le tatemae, ce qu’on dit, formules non conflictuelles et prévenantes, et le honne, ce que l’on pense.

Pour «matcher», le critère du groupe sanguin peut être décisif. Il est courant d’afficher A, B, O ou AB sur son profil de rencontre. De même, le physique et les traits de personnalité sont classés en catégories. Des hommes affirment avoir un visage «sel» (traits fins, teint pâle) ou «sucre» (traits ronds, enfantins), deux profils très populaires. Certains cherchent des femmes au visage tanuki (mignon, avec un petit nez et de grands yeux). D’autres se comparent à des chiens: ils assurent être gentils, fidèles, en quête d’attention.

Vanessa Montalbano reconnaît volontiers le côté addictif des swipes: elle a multiplié les dates, les rencards, et plongé ainsi dans le labyrinthe des relations homme-femme. Son livre décrit les différentes façons d’exprimer l’amour au Japon, la masculinité changeante des hommes, les attentes de la société à l’égard des femmes, le tabou absolu de l’adultère, les risques du dating en voiture ou au karaoké – signe de consentement – et une industrie du sexe omniprésente.

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