© Thomas Mukoya / Reuters

Quand la justice internationale attaque les chefs d’État

Le nouveau président kényan Kenyatta est le premier inculpé de la Cour pénale internationale à être élu chef d’État. Mais c’est loin d’être le premier dirigeant à être inquiété par la justice internationale.

« Moi, Uhuru Kenyatta, conscient du poids des responsabilités qui m’incombent en tant que président de la République du Kenya, je jure fidélité et allégeance à la République du Kenya ». Par ce serment, Uhuru Kenyatta devient officiellement aujourd’hui le quatrième président du Kenya. Devant 60.000 partisans, il a également promis de « protéger et de faire respecter la souveraineté, l’intégrité et la dignité du peuple kényan ».

Les promesses sont louables, mais l’investiture met mal à l’aise les Européens et les États-Unis qui ont déjà prévenu vouloir réduire aux « contacts essentiels » leurs relations avec le nouveau chef d’État africain. La raison de cette retenue est le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre du Kényan, mais également contre son vice-Président William Ruto. La CPI les accuse en effet de crimes contre l’humanité. Ils auraient joué un rôle dans l’organisation des violences qui avaient suivi l’élection présidentielle de 2007. Plus de 1.100 personnes ont été tuées dans des violences « planifiées » dans les deux camps : celui de Kenyatta, perdant des élections et celui de Kibaki, candidat réélu.

Si aujourd’hui Uhuru Kenyatta se distingue comme étant le plus jeune président de l’histoire du Kenya indépendant, il est également le premier inculpé de la CPI à être élu Chef d’État. Toutefois, ce n’est pas la première fois que le tribunal de La Haye à mailles à partir avec des personnalités exerçant ou ayant exercé les plus hautes fonctions de l’État.

Les ex-chefs d’État

Condamné à 50 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, Charles Taylor est devenu le 30 mai 2012 le premier ancien dirigeant condamné par la justice internationale. Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a en effet estimé qu’il était responsable de la poursuite de la guerre civile en Sierra Leone qui a duré de 1991 à 2002 et qui a fait près de 150.000 morts.

Alors que Taylor entendait sa sentence, l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, attendait lui le début de son procès. Celui-ci n’a toujours pas commencé, mais l’ancien chef d’État ivoirien reste détenu, depuis fin 2011 par la CPI. Il est soupçonné de crimes contre l’humanité commis pendant les violences postélectorales de 2010-2011. L’élection présidentielle qui l’opposait à Alassane Ouattara avait en effet été suivie d’une grande période de confusion. Son refus de reconnaître la victoire de son rival avait provoqué une violente crise, longue de 4 mois et qui a fait près de 3.000 morts.

Les chefs d’État en exercice

L’actuel président soudanais Omar el-Béchir n’a rien moins que deux mandats d’arrêt internationaux émis contre lui. Émis en 2009 et 2010, ils l’accusent de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide au Darfour. Des meurtres, viols et exactions ont été commis dans cette région de l’est du Soudan, dévastée par 10 ans de guerre civile. Plus de 300.000 personnes seraient mortes, plus de 1,5 million d’autres déplacées. Mais le président el-Béchir bénéficie du soutien de nombreux homologues africains et arabes. N’ayant pas signé le Statut de Rome, fondateur de la CPI, ils ne sont pas tenus de faire appliquer le mandat d’arrêt contre lui.

Enfin un autre mandat d’arrêt avait été lancé par la juridiction internationale en 2011 contre un chef d’État : Mouammar Kadhafi. Le « Guide » libyen était poursuivi pour crimes contre l’humanité. La CPI évoque un « plan destiné à réprimer et décourager la population qui était contre le régime » lors des révoltes du Printemps arabe qui ont touché la Libye. Mais l’histoire en a voulu autrement : la révolution a abouti à la chute du régime de Kadhafi et à la mort de ce dernier. Toutefois son chef des services secrets, Abdallah al Senoussi, et son fils aîné Seif al-Islam sont toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Cette dernière et les autorités libyennes se disputent dorénavant le droit de juger les deux hommes.

Laura Paillard (stag)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire