
Pourquoi l’électorat de Marine Le Pen se fiche des affaires ?
Sous le coup de quatre affaires judiciaires, Marine Le Pen, candidate Front National à la présidentielle française, n’est pas autant affectée que son collègue des Républicains, François Fillon.
Dans les faits, la campagne de Marine Le Pen est bien moins paisible qu’elle n’en a l’air, même si les sondages la voient souvent passer au second tour des élections présidentielles. Sous le coup de quatre affaires, la présidente du parti d’extrême droite sort l’artillerie lourde pour sa défense. Voici un rappel des affaires en cours.
Soupçons d’emplois fictifs au parlement européen
Le FN est soupçonné d’avoir utilisé l’argent alloué aux parlementaires européens pour engager des collaborateurs officiants pour le parti dans la ville de Nanterre, au lieu de travailler à Bruxelles ou à Strasbourg. Le préjudice s’élèverait à 7,5 millions d’euros pour une période allant de 2010 à 2016.
Le FN s’est défendu en dénonçant une opération politique directement pilotée par l’ancien président du Parlement européen Martin Schulz, avec la complicité de Manuel Valls (premier ministre à l’époque), dans le but d’entraver, de surveiller et d’intimider l’opposition patriote », rappelle Franceinfo et Le Monde.
À l’issue de l’enquête, Marine Le Pen a été sommée de rembourser 339.000 euros à l’Union européenne, soit le salaire de deux assistants depuis 2010. Elle avait jusqu’au 31 janvier pour rembourser cette somme, ce qu’elle n’a pas fait. Le parlement européen va donc retenir la moitié de son indemnité parlementaire et la moitié de ses frais de séjour jusqu’à ce que la totalité de la somme soit atteinte.
La justice française a également été saisie dans cette affaire, et le 15 décembre dernier une information judiciaire a été ouverte pour abus de confiance et recel, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et travail dissimulé.
Un financement obscur des campagnes électorales
Le Front National aurait réussi à financer ses campagnes électorales depuis 2011 grâce à un montage financier frauduleux. Des kits de campagnes, largement surfacturés (selon les juges en charge du dossier), ont été achetés par les candidats FN (obligatoire). Une société proche du FN finançait l’achat de ses kits à un taux d’intérêt de 6.5 %. Le Front National se faisait ensuite rembourser ses frais de campagne par l’État (comme le prévoit la loi) en incluant ce taux d’intérêt. Actuellement, trois procédures sont en cours, mais Marine Le Pen n’est pas directement inquiétée.
La défense de la présidente du FN avance sur trois points, selon Le Monde. « Il s’agit d’un acharnement politique instruit par une justice hostile au FN », « elle ne s’est jamais occupée personnellement de l’organisation des campagnes », et « la Commission des comptes de campagne (CNCCFP) a toujours validé les comptes des campagnes du FN ».
Or, c’est la CNCCFP qui a alerté la première la justice sur les soupçons pesant sur le financement des législatives, en 2013.
Un patrimoine sous-évalué
À titre de parlementaire européen, Marine Le Pen et son père sont tenus de transmettre des déclarations de patrimoine. Ils sont tous les deux soupçonnés d’avoir sous-évalué leur patrimoine (immobilier) commun. Cela représenterait plus d’un million d’euros pour le père, et plusieurs centaines de milliers pour la fille.
Le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire en janvier 2016. Le fisc leur réclamerait près de 3 millions d’euros, selon le JDD. Si Jean-Marie Le Pen est la cible principale de Bercy dans cette enquête, la présidente du FN risque tout de même une peine allant jusqu’à trois ans de prison, 45 000 euros d’amende et de dix ans d’inéligibilité, rappelle Franceinfo.
Comme à son habitude, Marine Le Pen a dénoncé « une volonté de nuire désormais systématique et outrancière » de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de la justice.
Un financement russe
En 2014, les difficultés financières du parti pour financer sa campagne le poussent à emprunter 9 millions d’euros à une banque russe. En 2015, en publiant un échange de SMS entre un responsable du Kremlin et Vladimir Poutine, Mediapart pense avoir révélé un lien entre le FN et son soutien à la politique russe en Ukraine et en Syrie. « Des faits qui viennent alimenter la thèse d’un financement du Front national par un État étranger », affirme Franceinfo. Ce qui est bien entendu interdit par la loi française. Une commission d’enquête parlementaire a été lancée fin 2015 sur ce sujet.
Quoi qu’il en soit, ces affaires ne semblent, pour l’instant, pas entacher autant la campagne de Marine Le Pen que celle de François Fillon avec le Penelopgate. Jusqu’à présent, la ligne de défense « complotiste » choisie par le FN semble trouver écho auprès des électeurs frontistes.
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