Gérald Papy

Netanyahou contre la raison d’être d’Israël : l’isolement nuit à la sécurité

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Il y a chez les gouvernants des peuples ayant été la cible d’un génocide la quête impérative de s’octroyer les moyens de se défendre, si besoin seuls contre tous. C’est vrai pour Israël, pour le Rwanda… Cette ambition est compréhensible. Leurs suppliciés ont attendu l’assistance des grandes puissances. Elle n’est jamais venue. La plupart des pays occidentaux ont refusé d’assouplir leur réglementation pour accueillir plus de réfugiés juifs d’Allemagne avant l’Holocauste de la Seconde Guerre mondiale. La Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda a retiré ses troupes les plus aguerries après le début du génocide de 1994… Les uns et les autres ont été abandonnés. Leurs descendants se doivent d’envisager la répétition de ce scénario.

Cette défiance viscérale envers ce qu’on résume de manière imparfaite sous le vocable de «communauté internationale» conduit certains dirigeants à se délier de leurs obligations d’Etat membre de plein droit des institutions internationales et soumis à leurs règles. Le pouvoir à Kigali, qui pouvait le justifier quand le pays était directement menacé par les anciens génocidaires, a, depuis, souvent avancé des arguments fallacieux pour semer la désolation dans le Congo voisin et retirer les bénéfices de l’exploitation de ses ressources minières. Israël mène depuis sa création une politique à l’égard des Palestiniens qui fait fi des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Son attitude, plus récente, à l’égard de l’arrêt de la Cour internationale de justice lui enjoignant de pourvoir à une assistance humanitaire d’urgence dans la bande de Gaza n’a pas dérogé à la «règle». L’offensive qu’il mène depuis le massacre de 1 140 de ses citoyens ou résidents, le 7 octobre, par le Hamas s’est encore intensifiée sans guère de considération pour le sort de la population. Elle a touché Khan Younès. Elle menace aujourd’hui Rafah, la ville refuge de 1,4 million de déplacés palestiniens poussés là par cette même armée israélienne qui, demain, pourrait attenter à leur vie tant semble irréaliste la concrétisation du projet d’évacuation des civils que le gouvernement israélien promet de mettre en œuvre.

Près de 28 000 Palestiniens ont déjà été tués sous les bombardements israéliens depuis le début de la guerre, des miliciens du Hamas mais aussi une majorité de civils. La volonté d’Israël de combattre les terroristes du groupe islamiste après la barbarie du 7 octobre a suscité de la compréhension. Mais au fur et à mesure de l’avancement des opérations et du bilan de ses conséquences sur les populations et sur les biens, c’est l’incompréhension qui prévaut sur les intentions réelles du gouvernement israélien: veut-il éradiquer le Hamas ou supprimer les structures et les forces vives nécessaires à la pérennité de la société gazaouie? Si, malgré les avertissements qui lui sont adressés, y compris de la part de ses alliés, le Premier ministre israélien engage l’armée dans l’assaut de Rafah et que l’offensive se traduit par le bain de sang redouté, Israël se détournera durablement de la communauté des nations. Et la sécurité de ses citoyens en sera fragilisée. Tout le contraire de ce que promettait Benjamin Netanyahou au soir du 7 octobre.

Gérald Papy est rédacteur en chef adjoint au Vif.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire