Carte blanche

L’Ukraine, un prétexte américain pour se débarrasser du rival russe ? (carte blanche)

La sévérité des mesures prises contre la Russie est inédite, selon Philippe Raxhon, professeur d’histoire contemporaine à l’ULiège. Mais quel est le but réel de ces sanctions ? Combattre un autocrate belliqueux ou mettre à bas un rival historique, en particulier des Etats-Unis ?

La mise au ban des nations de la Russie à un tel degré d’intensité, à tous les niveaux, et de manière aussi rapide et totale, est inédite. Aucun pays au monde en situation d’agresseur, et la liste est longue, n’a connu un traitement de cette nature.

Or le principe de base de la diplomatie est de laisser une porte ouverte, et pas de les fermer les unes après les autres en ricanant nerveusement à chaque tour de clé. L’hystérisation des comportements, des prises de position, y compris de responsables politiques de haut niveau, l’antirussisme primaire attisé, la rapidité de la coordination antirusse à tous les étages, le boycott complet, donnent assurément des arguments à Poutine pour une extension du conflit, car il saura les utiliser en spécialiste de la propagande qu’il est : la patrie en danger et assiégée étant l’un des thèmes historiques les plus puissants et les plus fédérateurs de l’histoire de la Russie, en général au dépens de ses ennemis.

Evidemment, nourrir par sa propre attitude la propagande de son adversaire pour le pousser à déclarer la guerre, et donc à la faute, est une vieille manoeuvre subtile dont certains, comme Bismarck par exemple, furent les maîtres du genre. Et Bismarck est au menu des think tanks contemporains.

Si c’est une occasion recherchée qui est entretenue par les adversaires de la Russie, et en particulier les Etats-Unis, avec pour véritable objectif la mise à bas d’une puissance mondiale rivale depuis 1947, et non la sanction d’un autocrate belliqueux, alors non seulement la cause ukrainienne est instrumentalisée par les chevaliers blancs, mais la responsabilité de l’extension de la guerre en Europe, inévitable, retombera aussi sur ces derniers.

Et l’Ukraine aura alors vécu deux malheurs historiques, celui d’être envahie et celui d’être un prétexte.

Philippe Raxhon, professeur d’histoire contemporaine à l’ULiège

Le titre est de la rédaction

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