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Le « moment » de Hillary

L’épouse de Bill Clinton quittera le Département d’Etat en janvier 2013. Beaucoup, dans son camp, l’encouragent déjà à se préparer pour la course à la Maison-Blanche. Pas exclu !

Engoncé dans son smoking, Dustin Hoffman joue les timides, mais Meryl Streep ne résiste pas longtemps à sa passion de groupie. Elle attrape son idole Hillary par la taille pour se prendre en photo avec elle, en tendant son téléphone à bout de bras. Le 1er décembre, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton reçoit pour un dîner officiel à Washington les sept lauréats des Kennedy Center Honors, et le regard ébaubi des invités en dit long sur la destinée qu’ils prêtent à leur hôtesse. A peine revenue d’une tournée en Asie – son dernier voyage officiel avant son départ annoncé du Département d’Etat -, la ministre des Affaires étrangères savoure autant son propre statut de rock star que sa liberté imminente.

Après quatre ans de loyaux services rendus à Barack Obama, le compteur affiché sur son site Web égrène les records : 112 pays visités, 395 jours passés en voyages officiels, dont 86 dans les cieux, à bord de son Boeing 757 attitré, à parcourir plus de 1,5 million de kilomètres. Dès janvier, au terme du marathon, la globe-trotteuse n’aspire qu’à une chose, dit-elle : « Dormir tant que je veux, faire de la gym et voyager enfin pour le plaisir. » Elle parle aussi de retrouver avec Bill sa résidence principale de Chappaqua, au nord de New York, et de se repaître de son émission de télé favorite, un reality-show intitulé Love It or List It, consacré à des familles en quête d’idées pour la décoration de leur maison de banlieue. Tout cela suppose que l’Amérique consente à la laisser tranquille. Et rien n’est moins sûr.

Le maire de New York, Michael Bloomberg, vient de lui proposer de briguer sa succession en 2013. Que fera-t-elle, alors ? Agée de 65 ans, Hillary Rodham Clinton ne peut trop tarder à proclamer ses possibles ambitions.

« Je suis prête à rendre service au pays »

Car un autre compteur s’affole déjà, celui des sondages, qui lui accordent depuis plus d’un an une cote de popularité de 70 %. Les enquêtes d’opinion vont plus loin encore. Interrogés sur l’échéance présidentielle de 2016, les électeurs démocrates du New Hampshire, Etat clé des futures primaires du parti, lui accordent déjà 91 % d’opinions favorables et 55 % de leurs intentions de vote face à six autres candidats possibles. Le mieux placé après elle – Joe Biden, actuel vice-président – n’attirerait sur son nom que 9 % des suffrages.

D’autres chiffres laissent songeurs. Plus de 2 républicains sur 10 se disent tentés de voter un jour pour elle. Dans un pays miné par le clivage politique, tout juste remis de deux âpres années de campagne électorale, cette exception équivaut à un consensus inimaginable.

La direction du Parti républicain prend ce danger très au sérieux, au point d’évaluer déjà des candidats sur leur capacité à tenir tête à Hillary, dans quatre ans. Face à elle, le parti n’aurait aucune chance d’améliorer son score abyssal réalisé auprès des électrices (les deux tiers des femmes de moins de 30 ans ont voté démocrate en novembre). Certes, ces spéculations négligent un détail : l’ex-candidate malheureuse des primaires de 2008 dément officiellement tout projet pour 2016. « J’ai passé mon temps sur la corde raide et je tiens à en descendre enfin », a-t-elle confié, il y a deux mois, au Wall Street Journal… non sans nourrir à nouveau les rumeurs par une phrase ambiguë : « Mais je suis prête à rendre service au pays. »

Le meilleur réseau de bailleur de fonds Campée depuis dix ans au sommet de la liste mondiale, établie par l’institut Gallup, des femmes les plus admirées des Américains, elle est aussi dotée, grâce à sa campagne passée et à la carrière de son époux, du meilleur réseau de bailleurs de fonds du pays. Il suffirait qu’elle claque des doigts pour prendre une avance décisive dès le coup d’envoi officieux de la présidentielle, dans deux ans.

Hillary Clinton a certes poussé Barack Obama à prendre des risques en intervenant contre Kadhafi et en faisant abattre Ben Laden au Pakistan. Pourtant, celle qui raillait la naïveté de son rival démocrate lors des primaires, il y a quatre ans, s’est muée, une fois sous ses ordres, en exécutante zélée. Et sa méthode, son attachement à l’aide au développement, dont elle a doublé le budget public, sa priorité donnée au travail des ONG et aux contacts directs avec la société civile dessinent à grands traits un profil de gouvernement pragmatique. Par ailleurs, l’expérience de ces quatre dernières années consacrées aux relations internationales aura aiguisé son sens politique. Et sa prudence.

PHILIPPE COSTE

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