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« La question n’est plus de savoir s’il faut attaquer l’Iran, mais bien quand »

« Le calme avant la tempête  » . Voilà comment les experts israéliens ont décrit le compte à rebours qui a commencé avant la rencontre prévue le 5 mars entre le président américain Barack Obama et le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Analyse.

Après le pèlerinage à Jérusalem des diplomates américains la semaine dernière, c’est maintenant au tour des dirigeants israéliens de se rendre à Washington. Le Premier ministre est attendu à la Maison Blanche le 5 mars, deux jours après le président israélien Shimon Peres.

Les avertissements réitérés par les États-Unis avant les rencontres présidentielles ne pouvaient être plus clairs : « Il serait prématuré de lancer une attaque militaire contre l’Iran », a déclaré à CNN le chef d’état-major américain, le général Martin Dempsey. « Le gouvernement américain est certain que les Israéliens comprennent ses inquiétudes », a ajouté le général Dempsey.

Pourtant, la principale préoccupation des dirigeants israéliens est d’être confiants, et non pas de se soucier des « inquiétudes » américaines. Bien qu’ils apprécient les démarches américaines en vue de contenir l’effort nucléaire iranien et qu’ils seraient même prêts à reconnaître, en privé, que les sanctions adoptées par les États-Unis ont dépassé leurs attentes, beaucoup se demandent la raison de l’entêtement à garder secret le moment choisi pour lancer une potentielle attaque « préventive » contre l’Iran, si ce n’est pour des raisons purement tactiques.

Il semble que le dilemme israélien « d’attaquer ou de ne pas attaquer l’Iran prochainement » reposerait sur le caractère hésitant des prises de décision américaines concernant la République islamique. Dempsey s’est clairement fait entendre : « L’Iran est un acteur rationnel… Il ne compte pas mettre au point l’arme nucléaire. »

Selon un article du New York Times publié samedi (25 février), l’affirmation de Dempsey a été corroborée par seize agences de renseignements américaines, alors que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) rapportait vendredi que l’Iran avait accéléré son programme d’enrichissement d’uranium depuis le précédent rapport de novembre 2011.

Nétanyahou a répété à maintes reprises que l’Iran représente une « menace existentielle » pour Israël, mais également pour le reste du monde, et que cela ne peut être toléré. Les déclarations du Premier ministre rejoignent l’opinion américaine : « Toutes les options sont sur la table ». Cependant, Nétanyahou a également émis un avertissement : « Cessez ces bavardages, ils font des dégâts », a-t-il ordonné à ses ministres. « Nous ne devrions pas donner trop d’informations à ce sujet. »

La question est donc de savoir qui a « dévoilé trop d’informations ». Cet avertissement était-il un conseil déguisé promulgué par les mêmes officiels américains que ceux qui ont publiquement exhorté son gouvernement à cesser de parler d’une attaque de l’Iran ?

En tout cas, ce n’est pas tant ce que Nétanyahou dit qui inquiète les États-Unis, mais plutôt ce qu’il ne dit pas. Le fait de laisser tous les acteurs clefs dans le doute de savoir si une attaque israélienne contre l’Iran est imminente (pour le printemps si l’on en croit les déclarations du Secrétaire d’État américain Leon Panetta rapportées par David Ignatius du Washington Post début février) sert un but précis.

Personne ne se fait d’illusions : les menaces d’une attaque israélienne ne dissuaderont pas l’Iran de poursuivre sa quête nucléaire. Cela pourrait, au plus, empêcher le front international de baisser sa garde face à Téhéran. « Jusqu’à présent, l’option militaire remporte un franc succès sur le plan diplomatique », a assuré le journaliste Ari Shavit. « Elle a réussi à sortir la communauté internationale de son apathie et a apporté une contribution décisive au resserrement du siège économique et diplomatique contre l’Iran ».

Que peut-on donc attendre de cette rencontre au sommet entre Israéliens et Américains ? Une chose est sûre : Obama ne veut pas donner l’impression que les États-Unis risquent d’être entraînés par Israël dans une attaque contre l’Iran. Cependant, la coordination entre les deux pays alliés est telle que si Israël attaquait l’Iran, il serait extrêmement difficile pour le président américain de convaincre la communauté internationale – particulièrement les États arabes postrévolutionnaires avec lesquels les États-Unis se sont engagés à restaurer un climat de confiance – qu’il n’était pas au fait de la décision d’Israël ou qu’il désapprouvait une action unilatérale d’Israël.

Pire, personne ne peut vraiment affirmer qu’une attaque unilatérale pourrait avoir des répercussions sur un Proche-Orient toujours plus instable. Les États-Unis pourraient facilement perdre le contrôle de la situation et s’enliser sur le plan militaire.

Il faudrait plus que des mots pour que l’opposition américaine à une attaque israélienne soit crédible aux yeux de la communauté internationale, ce qui est inconcevable pendant une campagne électorale. Le seul recours d’Obama serait d’obtenir la promesse de Nétanyahou, même en privé, qu’Israël n’envisagera pas pour l’instant de lancer une attaque militaire à l’encontre de l’Iran.

En retour, Nétanyahou obtiendra sans aucun doute une réitération de l’habituel « soutien inconditionnel » des États-Unis à la sécurité israélienne. Mais c’est à peine suffisant, car, le moins que l’on puisse dire, c’est que Nétanyahou ne fait pas totalement confiance à Obama.

Shavit, qui aime à imiter le Premier ministre, a écrit dans l’édition du week-end de Haaretz : « Si le président veut empêcher un désastre, il doit garantir à Nétanyahou que les États-Unis arrêteront l’Iran de quelques manières que ce soit et à n’importe quel prix, après les élections. Si Obama ne le fait pas, il obligera Nétanyahou à agir avant les élections de 2012. »

Dans ce contexte, le débat au sein des cercles diplomatiques et de défense américains et israéliens se resserre. Une attaque contre l’Iran – sans, mais si possible, avec la collaboration des États-Unis – est à présent sur la table des négociations en termes de temps et non plus de probabilité.

Plus l’on approchera du mois de novembre, plus la probabilité d’une attaque israélienne sera grande, et ce non pas en raison des conditions climatiques, mais bien du climat électoral américain. Une guerre préventive serait perçue comme une interférence politique grave dans les affaires intérieures américaines. Ce n’est pas un risque que Nétanyahou, bien versé en politique américaine et de nature prudente, serait enclin à prendre.

S’il est clair qu’aucune action militaire ne sera lancée à l’encontre de l’Iran avant novembre, pourquoi les Israéliens n’apaisent-ils pas les inquiétudes américaines à cet égard ? Nétanyahou veut qu’Obama fasse les bons choix pour Israël, il veut amener le président américain à se tenir aux côtés de son pays sur le plan militaire et de préférence avant une attaque israélienne.

La perspective d’une attaque unilatérale de l’Iran, même si elle a lieu après les élections, semble être la meilleure arme diplomatique d’Israël.

LeVif.be avec IPS

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