Nagasaki, le 9 août 1945. © REUTERS

Japon : mort d’un survivant emblématique de la bombe atomique

Le Vif

Sumiteru Taniguchi, mort mercredi à l’âge de 88 ans, avait vu sa vie basculer le 9 août 1945. Tout jeune facteur à Nagasaki au moment de l’explosion de la bombe atomique, il était devenu un inlassable défenseur du désarmement nucléaire.

Un temps présenté comme un possible lauréat du prix Nobel de la Paix, il s’est éteint à l’hôpital des suites d’un cancer, selon Nihon Hidankyo, un organisme qui représente les survivants irradiés de Nagasaki et d’Hiroshima.

Il n’avait que 16 ans quand, le 9 août 1945 à 11H02, un bombardier américain B-29 largua l’arme atomique sur sa ville, dans le sud du Japon. Trois jours après la première attaque nucléaire de l’histoire, à Hiroshima, l’explosion détruisit 80% des bâtiments de Nagasaki, dont sa célèbre cathédrale d’Urakami, et provoqua la mort de quelque 74.000 personnes, sur le coup et ultérieurement sous l’effet des radiations.

« J’ai senti le sol trembler pendant un moment et j’ai cru que j’allais disparaître. Mais je me suis convaincu que je ne pourrais pas mourir comme ça. Quand cela s’est calmé, je me suis rendu compte que la peau de mon bras gauche, de mon épaule et des doigts pendait comme une serpillière », racontait-il dans une vidéo tournée en juillet 2015 à l’hôpital de la Croix-Rouge à Nagasaki.

« Comme je ne ressentais aucune douleur, j’ai touché mon dos et j’ai vu que ma chemise avait disparu. Il y avait quelque chose de noir et de visqueux sur toute ma main. Mon vélo était complètement tordu », disait-il dans cet enregistrement le montrant torse nu. Il aura passé plus de trois ans à l’hôpital après le drame.

Cet homme à la silhouette élancée, aux traits fins, le front haut surmonté d’une abondante chevelure blanche, gardait les marques de brûlures sur toute la surface du dos et de profondes blessures sur le thorax au niveau du coeur et le long des côtes.

‘L’illusion’ du parapluie nucléaire

En 2015, à la cérémonie pour le 70e anniversaire de la tragédie, c’est du spectacle de la fin atroce de ceux qui l’entouraient en ce jour d’été de la fin de la Deuxième guerre mondiale qu’il avait témoigné devant la foule.

« Des corps carbonisés, des appels à l’aide depuis des bâtiments en ruines, des gens dont la chair tombait, dont les tripes étaient soudain au grand jour », décrivait-il. « Un troupeau d’êtres humains qui mouraient en tentant de trouver de l’eau ».

Il avait alors marqué les esprits par une virulente critique de la politique du Premier ministre Shinzo Abe à propos du renforcement des prérogatives de l’armée japonaise à l’étranger.

« Les lois de défense que le gouvernement essaye de faire passer risquent de mettre en péril nos longues années d’efforts en faveur de l’abolition de l’arme nucléaire et de briser les espoirs des hibakusha (survivants irradiés) », avait-il dit d’une voix frêle au nom de tous les siens. « Je ne peux pas tolérer ces lois », avait-il insisté, en présence de M. Abe qui, depuis, a réussi à faire voter ces textes.

Sumiteru Taniguchi a eu à coeur de transmettre son expérience jusqu’à sa mort. « Mais je crains que les gens, les jeunes générations en particulier, ne commencent à s’en désintéresser », avait-il confié dans un entretien avec l’AFP en 2003.

« Je veux que les jeunes générations se souviennent que les armes nucléaires ne sauveront jamais l’humanité. C’est une illusion de croire que le parapluie nucléaire nous protègera ».

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