Italie: un pro-européen pour diriger la diplomatie de l’eurosceptique Giorgia Meloni
Eurosceptique elle-même, Giorgia Meloni a choisi pour diriger la diplomatie italienne un Européen convaincu, l’ex-président du Parlement de Strasbourg Antonio Tajani, qui sera flanqué aux Affaires européennes d’un fidèle de la Première ministre, l’eurodéputé Raffaele Fitto.
Antonio Tajani coche toutes les cases pour rassurer Bruxelles et les capitales européennes: ancien commissaire européen et actuel vice-président du Parti populaire européen (PPE, droite), ce Romain de 69 ans ayant beaucoup d’entregent dispose d’un réseau qui s’avérera très utile pour Mme Meloni. Là est sa force: il connaît tout le monde au Parlement européen, mais aussi au sein de la Commission européenne, dont il a été membre à deux reprises de 2008 à 2014, et au sein du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement grâce à son mandat de vice-président du PPE depuis 2002.
Ancien journaliste de l’audiovisuel public (Rai) puis du quotidien Il Giornale, appartenant à l’empire de Silvio Berlusconi, Antonio Tajani a participé à la naissance de Forza Italia (FI), parti créé de toutes pièces par le milliardaire avant les élections de 1994. Député européen depuis 1994, M. Tajani a été constamment réélu, devenant l’ombre de Berlusconi à Bruxelles et au sein du PPE sous le vernis d’une élégance discrète servie par un visage de patricien. Depuis 2018 il est également son bras droit dans FI, cumulant les titres de vice-président et de coordinateur unique. Il se retrouve à ce titre régulièrement dans la position délicate de devoir « corriger » les propos intempestifs du milliardaire de 86 ans.
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Comme cette semaine quand ce polyglotte – il parle français, anglais et espagnol – est accouru à Bruxelles pour éteindre l’incendie allumé par un Berlusconi déclarant avoir « renoué » avec Vladimir Poutine tout en imputant à Kiev la responsabilité de la guerre. A son poste de ministre, « il sera certainement mis dans l’embarras, ça ne fera pas du bien à l’image de l’Italie », prédit déjà Sofia Ventura, professeur de Sciences politiques à l’université de Bologne, interrogée par l’AFP.
« Travailler avec l’UE »
Homme de contact, ce fervent pro-européen décoré de la Légion d’honneur « pour son engagement en faveur de l’Union européenne » n’a pas lésiné pour rassurer l’UE préoccupée de voir à la tête du gouvernement italien l’héritière d’un parti post-fasciste. « L’Europe peut rester absolument tranquille en ce qui concerne le futur gouvernement italien. Notre intention est de travailler avec l’UE », a-t-il ainsi affirmé deux jours le 27 septembre.
Moins connu sur la scène internationale, son collègue aux Affaires europénnes Raffaele Fitto est eurodéputé, coprésident du Groupe des conservateurs et réformistes européens, présidé par Giorgia Meloni. « M. Fitto est l’homme de Mme Meloni en Europe, il a eu un rôle important (...) dans les efforts de Mme Meloni de se créer un network au niveau européen », explique Sofia Ventura. « Au bout du compte, c’est le chef du gouvernement (…) qui a un rôle prépondérant en politique étrangère et elle peut faire équipe avec M. Fitto », dit-elle.
Ancienne étoile montante de Forza Italia, qu’il a quitté pour rejoindre en 2018 le parti de Mme Meloni, M. Fitto a la politique dans le sang. Né en août 1969 dans les Pouilles (sud), il devient en 2000 le plus jeune président d’une région italienne, sa région natale, sous les couleurs de Forza Italia, son cinquième parti depuis qu’il s’est lancé dans la carrière politique, suivant les traces de son père. Son étoile est ternie cinq ans plus tard quand, de nouveau candidat à ce poste, il est battu par le candidat communiste et ouvertement homosexuel Nichi Vendola.
En 2006, il est élu député dans les rangs de Forza Italia. En 2008, il est nommé ministre des Affaires régionales, poste qu’il occupera jusqu’en 2011 et la chute du gouvernement Berlusconi. Elu en 2014 au Parlement européen, il démissionne de son poste de député italien et à partir de cette date se consacre essentiellement à son activité européenne. « Nous sommes euroréalistes, pas eurosceptiques« , disait-il à la mi-septembre dans une interview au quotidien italien de droite Il Foglio.