Le 27 janvier, sept personnes ont été tuées par un Palestinien de 21 ans dans le quartier de colonisation juive de Neve Yaakov, à Jérusalem-Est. © REUTERS

Israël-Palestine : les prémices d’une nouvelle intifada

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Aux attentats palestiniens répond une répression israélienne qui entraîne de nouvelles attaques auxquelles sont opposées des mesures plus répressives… Les dirigeants ne veulent pas empêcher le désastre. Ils auront le désastre.

Le contexte

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a rencontré, les lundi 30 et mardi 31 janvier, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le président de l’ Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour tenter d’éviter l’embrasement qui menace le Proche-Orient. Une opération antiterroriste musclée de l’armée israélienne dans la ville palestinienne de Jénine, le 26 janvier, et un attentat à Jérusalem-Est, le lendemain, contre des fidèles d’une synagogue ont ravivé les tensions dans un contexte politique, israélien et palestinien, peu propice à la retenue.

Qu’arrive-t-il à Israël?», se demandait, le 25 janvier, l’hebdomadaire français Le 1, à propos de «la dérive nationaliste et antilibérale» qui s’y manifeste et que la rabbin Delphine Horvilleur jugeait aussi «immorale et dangereuse» que celle qui s’exprime ailleurs. Mais quand on s’inquiète de ce qui arrive à l’Etat hébreu, on en vient rapidement à s’interroger sur ce qui pourrait advenir des relations avec les Palestiniens, et de la sécurité dans la région.

La poussée de violences que connaît la Cisjordanie et Jérusalem depuis le 26 janvier s’inscrit dans une certaine continuité de ce qu’ont vécu Israéliens et Palestiniens en 2022: des attentats en Israël qui ont fait 31 morts, la répression permanente en Cisjordanie dont le bilan humain s’est élevé à 167 tués, l’année la plus meurtrière depuis 2014. «L’empreinte» du gouvernement de droite et d’extrême droite de Benjamin Netanyahou, entré en fonction le 29 décembre, ne peut donc pas être invoquée en tant que telle pour caractériser l’engrenage actuel. L’équipe précédente, dirigée par le leader de droite dure Naftali Bennett et le dirigeant centriste Yaïr Lapid, n’a pas été avare d’opérations répressives.

Le réengagement timide des Etats-Unis, traduit par la visite du secrétaire d’Etat Anthony Blinken, ne semble pas de nature à prévenir l’escalade meurtrière.

Bilans élevés

Mais ces violences tranchent tout de même avec les épisodes des derniers mois par le nombre de victimes recensées dans des actes uniques. Le 27 janvier, un Palestinien de 21 ans a tué par balles six Israéliens et une Ukrainienne devant une synagogue de Neve Yaakov, un quartier de colonisation juive dans Jérusalem-Est. Il s’agit de l’attaque terroriste la plus meurtrière perpétrée contre les Israéliens depuis quinze ans. Elle est survenue au lendemain d’une opération de l’armée israélienne menée dans le camp de réfugiés de Jénine, ville du nord de la Cisjordanie, officiellement sous contrôle de l’Autorité palestinienne. Tsahal y ciblait des militants du Djihad islamique impliqués, selon les autorités, dans des attaques en Israël. Dix personnes, terroristes présumés et habitants non armés, ont été tuées. C’est l’opération de répression la plus meurtrière menée en Cisjordanie depuis vingt ans.

L’armée israélienne a mené une opération antiterroriste dans la ville palestinienne de Jénine le 26 janvier, qui a fait dix morts.
L’armée israélienne a mené une opération antiterroriste dans la ville palestinienne de Jénine le 26 janvier, qui a fait dix morts. © GETTY IMAGES

Deux décennies, cela renvoie les Palestiniens à l’époque de la «bataille de Jénine». Du 1er au 11 avril 2002, en réponse à un attentat qui avait fait trente morts à l’hôtel Park de Netanya le 27 mars, l’armée israélienne avait mené une vaste attaque contre le camp de réfugiés de la ville, déclaré «zone militaire fermée». Au moyen de bombardements et de l’intervention d’un millier de soldats, une partie de celui-ci avait été vidé de ses terroristes ou combattants, selon le point de vue. De 53 à 200 Palestiniens et 23 militaires israéliens avaient été tués. Et 150 des 1 100 habitations du camp avaient été démolies au bulldozer… Cette opération «Rempart», comme la dénomma l’état-major israélien, a d’autant plus marqué les Palestiniens qu’elle s’est inscrite dans le cadre de la seconde intifada, révolte survenue entre 2000 et 2005… Or, c’est précisément dans le contexte de la commémoration de ces événements qu’un regain de violence terroriste fut observé en mars et avril 2022 en Israël, même si toutes les attaques n’étaient pas liées à elle. Il donna lieu à l’actuelle opération israélienne «Briser la vague» en Cisjordanie, dont l’attaque à Jénine était un épisode…

Escalade inévitable?

Est-on entré dans un nouveau cycle de violences annonciateur d’une nouvelle intifada? L’absence de perspectives de règlement politique et d’amélioration de leurs conditions de vie, une militarisation croissante, et une entrée de plus en plus précoce dans la violence, comme en témoigne l’âge – 13 ans – de l’auteur d’une autre fusillade à Jérusalem-Est, le 29 janvier, qui a fait deux blessés, font craindre une révolte à grande échelle des Palestiniens. La poursuite de la répression armée (deux Palestiniens ont été tués le 29 et le 30 janvier sur de simples suspicions d’attaque), les représailles de colons contre des biens palestiniens (voitures, commerces…) à Ramallah et à Naplouse, et l’extension par le gouvernement Netanyahou VI des mesures punitives (retrait des bénéfices sociaux, révocation du statut de résident aux proches des auteurs d’attentats) augurent une fuite en avant de la part des Israéliens.

Face à ces sombres perspectives, le réengagement timide des Etats-Unis, traduit par la visite du secrétaire d’Etat Antony Blinken à Jérusalem et à Ramallah, ne semble pas de nature à prévenir l’escalade meurtrière.

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