Ilhan Omar, nouveau visage de la stratégie électorale de Donald Trump

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Entre tweets et meetings, Donald Trump attaque violemment depuis plus d’une semaine quatre élues démocrates du Congrès issues de minorités. Une rhétorique de campagne qui fait penser à ses attaques répétées contre Hillary Clinton en 2016.

En 2016, Donald Trump avait une grande partie de sa campagne sur l’image controversée d’Hillary Clinton. Scandant « lock her up » durant ses meetings, il en avait fait un slogan. Pour sa réélection en 2020, il a fait de quatre élues démocrates issues de minorités, et en particulier Ilhan Omar, le visage de sa campagne. Il cible notamment son statut de réfugiée, sa religion et son appartenance ethnique.

De « Lock her up » à « Send her back »

Lors des meetings préélectoraux du président américain, la foule conspue Ilhan Omar, fille de réfugiés somaliens élue au Congrès en 2018. Le ton de la campagne est donné : Donald Trump entend creuser les fractures de l’Amérique pour être réélu en 2020. Il attaque depuis 8 jours, quotidiennement, quatre élues démocrates issues des minorités. Il leur a conseillé, dans un tweet qui a consterné une grande partie de l’Amérique et du monde, de « retourner » dans leur pays d’origine.

À plus d’un an de l’élection, il multiplie les propos incendiaires durant ses meetings. Il galvanise la foule et ne tente pas de calmer ses fans. Il semble, au contraire, apprécier le nouveau slogan « Send her back », qui pourrait bien vite remplacer les « Lock her up », destinés lors de la campagne 2016 à sa rivale démocrate Hillary Clinton.

Ilhan Omar, nouveau visage de la stratégie électorale de Donald Trump
© Reuters

Avec elle, le président a trouvé un visage à sa stigmatisation des musulmans. « Il veut la diaboliser pour s’assurer que sa base se rende aux prochaines élections », analyse Keith Ellison, procureur général du Minnesota, qui a été le premier musulman élu au Congrès de l’histoire des États-Unis, cité par The Guardian. « Il essaie d’attiser la haine et l’hystérie pour qu’il ait une participation maximale… Il dit ‘votez pour moi parce que mes craintes, mes angoisses et mes préjugés sont semblables aux vôtres, et je vais défendre vos peurs et vos angoisses’. » Les préjugés de Trump à l’égard de la communauté musulmane sont loin d’être nouveaux, et s’inscrivent dans une stratégie et une rhétorique à plus long terme.

Pas de « posture présidentielle »

S’il veut enchaîner un second mandat, Donald Trump devra rééditer l’exploit de 2016 où l’avait emporté sur le fil dans trois États-clés. Après deux années et demi chaotiques, il aurait pu adopter une « posture présidentielle » pour mener campagne. Mais il semble avoir fait le choix inverse : attiser les tensions et les divisions pour s’assurer le soutien de son électorat de base, celui qui l’a fait élire il y a trois ans.

Chaque jour, Donald Trump renforce un peu plus sa rhétorique, répétant sans cesse sa nouvelle ligne d’attaque: « Ils n’aiment pas notre pays. Vous savez quoi? S’ils ne l’aiment pas, dites-leur de le quitter! » Il ajoute même : « Voter pour un démocrate en 2020, quel qu’il soit, c’est voter pour la montée en puissance du socialisme radical, la destruction du rêve américain, et, pour le dire clairement, la destruction de notre pays », des propos peu communs dans la bouche d’un président en exercice.

Ilhan Omar, nouveau visage de la stratégie électorale de Donald Trump
© Reuters

Que dit le parti républicain de son président ? Les propos de Donald Trump dérangent jusque dans son propre camp. Certains élus ont demandé de les retirer. Mais le président peut compter sur le soutien des ténors républicains et sur la prudence générale des autres membres, peu enclins à se désolidariser totalement de celui qui sera, sauf énorme surprise, leur candidat en 2020.

Le choix d’une figure controversée

Parmi les quatre élues démocrates attaquées par Trump, une retient davantage son attention et celle de ses supporters : Ilhan Omar. On peut ici encore faire un parallèle avec Hillary Clinton. Car, à l’instar de l’ancienne Première Dame, Ilhan Omar n’est pas vue d’un bon oeil par tous, y compris dans ses propres rangs.

À 37 ans, Ilhan Omar incarne le rêve américain de nombreux immigrants. Née en Somalie, elle fuit la guerre avec sa famille, passe quatre ans dans un camp de réfugiés au Kenya et arrive aux États-Unis à 12 ans. Elle fait partie de l’aile gauche du parti démocrate aux côtés de nouveaux élus qui prônent une éducation gratuite, dénoncent la discrimination raciale du système judiciaire et s’opposent à la politique migratoire restrictive de l’administration Trump. Élue en novembre 2018 à la Chambre des représentants, elle est la première musulmane à porter le voile au Congrès.

Mais, depuis, les polémiques se succèdent. Elle est d’abord épinglée pour son soutien à la campagne internationale de boycott d’Israël, que certains assimilent à de l’antisémitisme. Puis elle affirme qu’un lobby pro-Israël finance les responsables politiques américains afin qu’ils soutiennent ce pays du Proche-Orient, provoquant de nouvelles accusations d’intolérance. Elle s’excuse… avant d’accuser les lobbies qui poussent les Américains à faire « allégeance à un pays étranger ». Beaucoup, dont de nombreux démocrates, dénoncent un stéréotype sur le manque de loyauté des Juifs envers le pays où ils vivent.

Ilhan Omar, Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley.
Ilhan Omar, Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley.© Reuters

Si certains jugent la personnalité d’Ilhan Omar comme « controversée », c’est également le fait de Donald Trump. À mesure qu’elle est devenue une voix progressiste de premier plan, il a vu l’occasion d’instrumentaliser sa foi et son identité. Il a prétendu qu’elle « déteste l’Amérique », l’a faussement liée à des terroristes et, plus tôt dans l’année, a partagé une vidéo juxtaposant ses paroles avec des images du 11 septembre. Les défenseurs conservateurs de Trump ont emboîté le pas, utilisant leurs puissantes plateformes pour répandre des théories conspirationnistes sur son histoire. De plus, lors de ses meetings, le président américain n’hésite pas à déformer la vérité pour faire croire qu’elle est « une ennemie des États-Unis », assure un fact checking mené par The Guardian.

La stratégie de Donald Trump est claire: pousser les démocrates à se rassembler autour des quatre élues, très à gauche et surnommées The Squad par la presse, de manière à les présenter comme représentatives du parti démocrate dans son ensemble, même si sa majorité est plus modérée. L’élue du Minnesota mène le combat anti-Trump avec trois autres étoiles montantes du parti démocrate: Alexandria Ocasio-Cortez, Ayanna Pressley et Rashida Tlaib.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire