Xavier Bertrand, Michel Barnier et Valérie Pécresse: le classement qui prévaut dans les sondages sera-t-il bouleversé par les adhérents des Républicains au profit de l'ancien commissaire européen? © BELGA IMAGE

Qui sera le candidat des Républicains à la présidentielle dans une France toujours plus à droite ?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Tel est le défi paradoxal des Républicains dans un paysage politique dominé par toutes les droites. Après le temps des batailles d’ego, celui du débat d’idées. Les Républicains auront un candidat unique pour la présidentielle de 2022. Mais en acceptant de se soumettre au vote du congrès du parti, Xavier Bertrand prend le risque de ne pas concourir à armes égales.

« Donner envie de droite »: l’aspiration peut paraître paradoxale dans un pays où la gauche politique peine à exister et où les citoyens mettent régulièrement en tête de leurs intentions de vote pour la présidentielle de 2022 quatre personnalités qui couvrent le spectre allant du centre-droit à l’extrême droite. C’est pourtant le voeu qu’a formulé, le 11 octobre, Philippe Juvin, un des candidats des Républicains dans la course à l’élection suprême.

Le maire de La Garenne-Colombes exprimait en réalité sa satisfaction de voir enfin s’ouvrir la perspective, pour le parti de l’ancien président Nicolas Sarkozy, de pouvoir débattre sur les idées et les propositions après s’ être chamaillé sur la méthode pour désigner le meilleur d’entre eux au scrutin d’avril 2022. Quelques instants plus tôt, le président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, en délicatesse avec la structure du parti depuis son départ en 2017, avait annoncé qu’il participerait au congrès des Républicains programmé le 4 décembre prochain pour faire émerger un prétendant alors qu’il avait toujours déclaré jusqu’alors qu’il tracerait sont chemin seul. « J’ai deux certitudes, a-t-il affiché sur le plateau du 20 h de TF1. Divisés, on est sûrs de perdre. Rassemblés, on peut gagner. Et je veux gagner. » Chez Xavier Bertrand, l’ego n’est jamais très loin ; c’est d’ailleurs peut-être ce qui fait de lui un candidat crédible.

Depuis l’annonce officielle de sa candidature, Xavier Bertrand n’a pas su creuser un écart significatif avec sa principale rivale, Valérie Pécresse. Michel Barnier a contre lui d’apparaître comme « l’incarnation de la technostructure européenne ».

La pression de Zemmour

Voilà donc Les Républicains requinqués: alors qu’ils avaient perdu beaucoup de crédibilité dans ce qui s’apparentait à un suicide politique face à la détermination de leurs adversaires, ils se raccrochent désormais à deux bonnes nouvelles, les débats entre leurs candidats focaliseront l’attention des médias et, le 5 décembre, ils pourront prétendre être en ordre de marche derrière une candidature unique. L’échéance peut paraître tardive alors que le Rassemblement national (Marine Le Pen), La France insoumise (Jean-Luc Mélenchon), Europe Ecologie Les Verts (Yannick Jadot) et, quoique dans une moindre mesure, le Parti socialiste (Anne Hidalgo) ont lancé, parfois depuis longtemps, leur campagne. Mais, au moins, le calendrier des Républicains est-il fixé, ainsi que la méthode.

En se ralliant à celle-ci, le président de la Région Hauts-de-France prend un sérieux risque. Mais il ne pouvait pas procéder autrement. A côté de l’effet dévastateur des bisbilles de bac à sable des postulants, l’irruption du polémiste Eric Zemmour dans le champ politique l’y a forcé. En grignotant des « parts de marché » aux Républicains – le même phénomène se produit aux dépens du Rassemblement national – l’ancien journaliste a ruiné l’espoir de Xavier Bertrand de décoller dans les sondages et de s’imposer comme le candidat naturel de la droite républicaine. Depuis l’annonce officielle de sa candidature en mars 2021, il n’a pas réussi à creuser un écart significatif avec sa principale rivale, la présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse. Sa décision de participation au Congrès des Républicains est donc l’aveu d’un échec pour l’ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy. Le prélude à une autre déconvenue?

La surprise Barnier

La sélection du « meilleur des Républicains » pour la course à l’Elysée ne s’effectuera pas au terme d’une primaire ouverte de la droite et du centre, comme en 2016 pour le scrutin de l’année suivante, mais en fonction des résultats d’une primaire fermée. Concrètement, seuls les adhérents aux Républicains pourront y participer. Ils sont estimés à environ 80 000 aujourd’hui mais pourraient être 100 000 ou 110 000 à la date limite pour de nouvelles adhésions, le 15 novembre. La chasse est ouverte. La conséquence de ce choix, opéré par les adhérents le 25 septembre, est que Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, qui ont systématiquement été pointés en tête des intentions de vote des candidats étiquetés républicains, seront désavantagés. Deux raisons l’expliquent. D’abord, le centre, proche des LR, est exclu du vote. Or, le président de la Région Hauts-de-France comme sa collègue d’Ile-de-France ont quitté le parti en 2017 parce qu’ils estimaient qu’il prenait un virage trop à droite sous la présidence de Laurent Wauquiez (2017-2019). Ensuite, parce que l’élection restreinte aux adhérents, dont une grande proportion de fidèles des fidèles du parti, risque de se transformer, partiellement en tout cas, en vote-sanction contre ceux qui l’ont déserté et qui, pour servir leur ambition personnelle, disent aujourd’hui avoir besoin de lui…

Les adhérents des Républicains voteront-ils selon leur coeur ou en fonction de l’intérêt de la droite?

Dès lors, surprise, ce contexte particulier pourrait doper la candidature du troisième larron des Républicains, l’ancien commissaire européen et ex-négociateur du Brexit, Michel Barnier… Il a pour lui d’être resté membre des Républicains, d’avoir un profil centriste mais pas trop, de se présenter comme garant de l’unité du parti, d’avoir une stature de présidentiable, et de bénéficier, sans que ce ne soit officiel, du soutien du président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, qui reste un des barons qui comptent au sein de la formation. Il a contre lui d’apparaître comme « l’incarnation de la techno-structure européenne » mais il s’évertue à rappeler qu’il est un homme de terrain ayant coché toutes les cases de la carrière politique française, député, président de conseil départemental, ministre… et, le cas échéant, d’être relativement âgé, 70 ans, raison pour laquelle il n’hésite pas à jouer la carte du « Joe Biden français » et d’assurer qu’il ne fera qu’un seul mandat…

Qui sera le candidat des Républicains à la présidentielle dans une France toujours plus à droite ?
© ISOPIX

A tous ces vents potentiellement contraires, Xavier Bertrand peut opposer que dans les études d’opinion, il est présenté comme le seul candidat, des Républicains ou pas, capable de battre Emmanuel Macron au second tour de l’élection, là où Valérie Pécresse apparaît plus désarmée. Les adhérents des Républicains voteront-ils selon leur coeur ou en fonction de l’intérêt de la droite? L’ enjeu est crucial. Car du congrès du 4 décembre pourrait émerger le futur président de la République.

Le scénario idéal pour la droite républicaine serait que le principal prétendant de son camp ne soit pas trop distancié dans les sondages d’ici au 4 décembre, donc qu’Eric Zemmour confirme sa candidature et qu’il gagne davantage d’électeurs auprès du Rassemblement national que chez les Républicains. Dans cette hypothèse, Marine Le Pen et Eric Zemmour se neutralisent et, dopée par l’unité retrouvée du parti, la personnalité choisie par Les Républicains, au terme d’une confrontation d’idées qui réconcilie les Français avec la politique, a toutes les chances d’arriver en deuxième position au premier tour de l’élection et de défaire le président sortant au second…

Philippe l’attrape-voix

Mais Emmanuel Macron n’est pas homme politique à se laisser déposséder aussi benoîtement de ses prétentions. L’espace politique du candidat républicain, il y a moyen de le restreindre. Ainsi fait son ancien Premier ministre, Edouard Philippe, homme de droite, héritier de la stratégie d’ouverture et de dialogue de l’ancien Premier ministre Alain Juppé, qui est revenu opportunément au devant de la scène politique après la période de réserve qu’il s’était imposée après avoir démissionné de ses fonctions de chef du gouvernement en juillet 2020. Il a porté sur les fonts baptismaux, le 9 octobre, un nouveau parti appelé Horizons. « Pour faire bien, voir loin », a-t-il lancé. Le véritable objectif de cette initiative est d’engranger des élus lors des élections législatives de 2022, de peser dans la majorité constituée autour d’Emmanuel Macron, s’il est réélu, et, quoi qu’il en soit, de préparer le rendez-vous présidentiel de 2027 quitte à représenter, à terme, un fardeau pour le chef de l’Etat… En attendant, Edouard Philippe, l’homme politique préféré des Français, y compris chez les Républicains, peut filer un coup de main au président en captant des voix de la droite classique au profit de sa candidature.

Le samedi 9 octobre, au Havre, Edouard Philippe a créé son parti Horizons avec des postures empruntées à Jacques Chirac.
Le samedi 9 octobre, au Havre, Edouard Philippe a créé son parti Horizons avec des postures empruntées à Jacques Chirac.© GETTY IMAGES

Courtisés par la « macronie » nouvelle mouture, par le Rassemblement national en pleine tentative de dédiabolisation et par un Eric Zemmour chantre d’une droite conservatrice « décomplexée », les électeurs républicains resteront-ils dans le giron d’un parti fracturé entre une aile droite et un courant centriste, orphelin d’un vrai leader, et éventuellement contraint de s’en remettre à un « repenti » rentré au bercail par opportunisme? Les jeux sont ouverts entre la remontada inespérée, cinq ans après une élection qui était imperdable, ou le plongeon dans les abîmes qui poserait la question de l’existence même des Républicains. Le film de la présidentielle de 2022 s’annonce en tout cas passionnant.

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